Chut ! Quatremer pour l'éclatement de la Troïka
Daniel Schneidermann - - 0 commentairesLa Troïka n'a plus de raison d'être, et ses exigences irrationnelles, dans la négociation avec la Grèce
, vont mener à la catastrophe. Ce n'est pas Tsipras qui le dit, ni Varoufakis, c'est Jean Quatremer, de Libération. Cela n'a aucun sens, explique-t-il, de demander à la Grèce à la fois le remboursement intégral de sa dette (comme l'ordonne le FMI) et une baisse des retraites et une augmentation de la TVA (comme l'exige l'UE). Autrement dit, les exigences des créanciers à l'égard de la Grèce sont incohérentes. Dans cette dernière ligne droite, la Troïka (UE/FMI/BCE) se révèle prisonnière de ses propres contradictions.
De l'importance de l'identité des locuteurs, dans un débat. Si c'était seulement Tsipras qui soulignait l'irrationnalité des demandes de la Troïka, on ne cliquerait même plus. Il la dénonce depuis des mois. Mais que cet argument soit repris par Quatremer oblige à tendre l'oreille. Certes, ce court article a été mis en ligne quelques heures après une analyse plus fouillée de Romaric Godin, de La Tribune(à écouter sur notre plateau ici), qui détaillait la genèse tortueuse de la position du FMI. Mais dans la glose poisseuse de ces dernières semaines sur les "négociations de la dernière chance", qui se poursuivent avec la Grèce, dans la terreur indistincte du défaut et du Grexit, que ce soit Quatremer lui-même, dénonciateur historique des Grecs prodigues et fraudeurs, qui amène le pavillon de la Troïka, est un événement remarquable. Certes, le scoop ne fait l'objet que d'un court billet, niché dans les pages éditoriales de Libé alors que la révélation publique de fissures apparemment irréductibles dans le front des créanciers de la Grèce, par son caractère inédit, mériterait amplement la Une. Mais tout de même. Pour peu qu'on soit muni d'une bonne loupe, on arrive à suivre.
Ces divergences ne sont pas nouvelles. Mais leur resurgissement dans une phase aiguë de la crise laisse prévoir à brève échéance des convulsions à l'issue imprévisible. Si Quatremer, comme cela a été le cas dans le passé, trahit dans ses articles la pensée profonde de l'UE, en tant qu'institution, alors on peut interpréter son billet comme un "spoiler" de l'argumentaire en défense que brandira Juncker, quand le Titanic aura enfin rencontré l'iceberg. Quoi qu'il en soit, oui la Troïka a du souci à se faire. Et la Grèce, et l'Europe, et le monde, qu'elle entraînera dans son naufrage.