Chiens de garde, débats et non-débats
La rédaction - - 0 commentairesDe la difficulté de débattre à la télé. Le documentaire Les Nouveaux chiens de garde, sorti le 11 janvier, dénonce le "monothéisme de la pensée médiatique": les connivences entre journalistes, experts et politiques, et la pauvreté du débat. Invité de Ce soir (ou jamais!) mardi, le co-réalisateur du film a pourtant refusé de débattre avec Jacques Attali... qui lui même a refusé de commenter son intervention. Compte-rendu d'un dialogue de sourds.
En principe, Ce soir (ou jamais!) est une émission de débats. Mais il arrive que l'animateur Frédéric Taddeï interroge à part certains invités, généralement parce qu'ils ne souhaitent pas débattre. C'était le cas, le 17 janvier, de Yannick Kergoat, co-réalisateur du film Les nouveaux chiens de garde. Adapté du livre éponyme du journaliste Serge Halimi, paru en 1997, le film dresse un portrait sévère du monde médiatique et des connivences entre journalistes, politiques et "experts".
Sur le plateau, le réalisateur explique la thèse du documentaire, qui dénonce "le monothéisme de la pensée médiatique", les journalistes souvent connivents avec les pouvoirs, et le débat accaparé par une petite élite. En particulier, les éternels "experts", prétendument objectifs, seraient en réalité "au cœur du système économique dont ils prétendent faire la critique".
Une attitude un peu paradoxale, note Taddeï : car les auteurs du film eux-mêmes ont refusé de débattre avec les fameux experts, représentés sur le plateau par Jacques Attali. Le présentateur laisse entendre que certains auraient même décliné l'invitation à venir en plateau:"Je vous avais proposé, ainsi qu'à un certain nombre de ceux qui ont participé à votre film, de faire un débat entre vous et ceux que vous accusez d'être trop souvent invités [...] et vous avez refusé", remarque Taddeï.
Mais ce type de débat ne trouve pas grâce aux yeux de Kergoat:"On ne pense pas que la forme d'un débat qui consisterait à mettre deux pour et deux contre l'un en face de l'autre et à faire, en gros, un droit de réponse, serait un débat intéressant, approfondi, équilibré sur une question aussi importante". Et le cinéaste d'ajouter: "notre vocation, quand on fait un film de cinéma, c'est pas de passer à la télévision." Ecoutez les explications de Kergoat...et la réponse d'Attali C'est donc seulement après cet entretien que Jacques Attali était invité à réagir, par le présentateur revenu au centre du plateau. Réponse sans appel:"Quand ce monsieur aura le courage de venir débattre avec moi, je lui répondrai. Mais là je n'ai rien à dire." |
Contactée par @si, la rédactrice en chef de l'émission, Anne-Laure Sugier, explique : " Nous voulions organiser un débat entre deux ou trois auteurs du documentaire et deux ou trois contradicteurs, parmi les personnalités critiquées dans le film." Invités entre autres: Gilles Balbastre, co-réalisateur, et le journaliste Pierre Rimbert."Ils se sont consultés entre eux, et ils n'étaient pas partants pour un débat. Ça ne nous a pas étonnés, ils n'aiment pas vraiment passer à la télé.", ajoute Sugier. Les organisateurs ont donc prévu un autre dispositif: l'entretien au bar. "On fait souvent cela, même avec des gens qui acceptent de débattre."
Les autres auteurs des Nouveaux chiens de garde ont avancé auprès de France 3 des raisons d'agenda. Les mêmes raisons invoquées d'ailleurs auprès d'@si, qui leur a lancé, sans succès jusqu'à maintenant, une invitation pour une émission que nous souhaitons consacrer au thème des experts médiatiques.
(Par Julie Mangematin)