Charlie Hebdo : seconde plainte de la veuve d'une victime

Capucine Truong - - 0 commentaires


Le "poison des millions" de Charlie Hebdo referait-il surface ? Mercredi 22 mars, Gala Renaud, la veuve de Michel Renaud, l’une des victimes de l’attentat du 7 janvier 2015 à Paris, a déposé une nouvelle plainte contre l'hebdomadaire et son directeur de publication Riss, pour abus de confiance aggravé. La plaignante estime que les dizaines de millions générés par la vente du numéro post-attentat, publié le 14 janvier 2015 et vendu à plus de huit millions d’exemplaires, auraient dû être reversés aux familles comme, selon elle, s’y étaient engagés publiquement les responsables du journal.

Des familles de victimes de l'attentat du 7 janvier 2015 flouées par Charlie ? C'est l'avis de Gala Renaud, veuve de Michel Renaud, qui vient de porter plainte contre l'hebdomadaire. Cette histoire, nous la racontions déjà sur notre site à l’occasion d’une émission diffusée en janvier dernier en compagnie de Marie Bordet, journaliste au Point et Laurent Telo du Monde, auteurs de l’ouvrage Charlie Hebdo, le jour d’après. Comment, après avoir laissé planer l'idée que les recettes de la vente du numéro post-attentat (12 millions d'euros avant impôts, selon l'estimation des avocats de Renaud) iraient aux familles des victimes, la direction du journal a annoncé que ce seraient plutôt les dons (4,1 millions d'euros) qui leur seraient affectés.

Extrait de notre émission avec Marie Bordet et Laurent Telo, "Partager le pouvoir à Charlie Hebdo n'a jamais été possible."

Avant l’attaque, Charlie Hebdo est en cessation de paiement. Immédiatement après, l’équipe annonce qu’un nouveau Charlie paraîtra. A une occasion, une salariée du journal annonce publiquement que l’argent issu de la vente de ce numéro ira aux familles des victimes. Le 14 janvier 2015, Zineb el Rhazoui déclare en direct sur le plateau du Grand Journal que "les bénéfices du numéro seront versés aux familles des victimes". Gérard Biard, rédacteur en chef de l'Hebdo, a alors un geste... comme pour la faire taire. Mais c’est dit. Les acheteurs ont-ils cru que leur agent iraient aux victimes ? En tout cas, 8 millions d’exemplaires se vendent. Près de 12 millions d’euros rejoignent une première cagnotte. Tandis qu’une autre reçoit les dons, de 4,1 millions d’euros.

Mais autour du mois de février 2016, écrivent Telo et Bordet, les victimes reçoivent notification que ce sont les dons qui seront reversés dans leur intégralité aux victimes, et non les bénéfices. Soit 4,1 au lieu de 12 millions… L’argent est versé aux victimes à l’issue d’un long processus, autour d’octobre 2016. Gala Renaud en a reçu 141 000 euros. Pour elle, néanmoins, il y a eu tromperie. "Qu’on ne lui dise pas que les 8 millions d’acheteurs du numéro des survivants ne l’ont été que parce qu’ils voulaient en lire tous les articles et tous les dessins. Cette blague" écrivent les journalistes.

Une première plainte est déposée en juin 2016. Eric Portheault, le directeur financier, y répond dans un mail publié dans la presse : "Nous avons toujours déclaré que le produit de la vente du journal serait consacré à assurer sa pérennité." Elle est classée sans suite. Cette fois-ci, Gala Renaud a saisi le doyen des juges d’instruction. Et sa nouvelle plainte s'appuie notamment, selon Le Parisien, sur un passage du livre de Telo et Bordet. Les deux journalistes révèlent en effet qu'à la sortie du plateau du Grand Journal, Portheault prend El Rhazoui à part : "Tu n'aurais pas dû dire cela. Les recettes du numéro n'iront pas aux victimes."

Pour les avocats de Renaud, "ce revirement du journal démontre une intention délibérée de détourner les fonds promis initialement aux familles des victimes. Mme Renaud subit un préjudice, et les acheteurs du numéro des survivants aussi ont été trompés." Réagissant auprès du Parisien, Riss a qualifié cette plainte d'"absurde" : "Dans le chaos du mois de janvier, tout le monde s'exprimait. Mais les responsables officiels de Charlie n'ont jamais dit publiquement que les recettes du numéro spécial iraient aux victimes."

>> L'occasion de voir notre émission avec Marie Bordet et Laurent Telo : "Partager le pouvoir à Charlie Hebdo n'a jamais été possible"

Lire sur arretsurimages.net.