Charlie, contre l'Internet qui nivelle tout

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Au moins, ils ont de la suite dans les idées.

Quand elle manque d'inspiration, l'équipe de Charlie Hebdo retrouve un de ses marronniers préférés : Internet. Cette semaine (dans le numéro avec le Titanic des migrants en couverture), ils s'y mettent à deux, rien moins que le directeur et le rédacteur en chef, pour dézinguer le méchant Internet, "première religion du monde, devant l'Islam et le christianisme", Internet qui "nivelle tout, l'information, le désir, et surtout l'imagination" (Riss, directeur, dans son éditorial), Internet et son "univers sans hiérarchie", où règne néanmoins "la tyrannie consentie des réseaux sociaux" (Gérard Biard, rédacteur en chef, en page intérieure). Et Biard, solennel : "une rumeur que l'on fait enfler, même jusqu'à la faire exploser, ne deviendra jamais une information".

Pourquoi pas ? La réflexion sur Internet est toujours bienvenue, comme la réflexion sur la télé ou sur la presse. Oui, Internet colporte des bêtises, ni plus ni moins que la presse fabriquée par des détenteurs de cartes de presse (de la candidature de Le Pen en 2017 à la fausse mort de Martin Bouygues, pour mémoire, notre dossier -loin d'être complet- est ici). Etudier comment ces bêtises sont propagées, et ensuite, ou pas, rectifiées et démenties, est une tâche passionnante, et sans fin.

Exemple frappant : dans l'article voisin de celui de Biard, et sur deux colonnes, Laurent Léger, l'enquêteur de l'équipe, reprend, à grands coups de dénonciation de la "surveillance de masse" le fameux scoop du Monde sur le "big brother" de la DGSE, scoop que Jean-Marc Manach a démonté ici sans être démenti (oui, ici même, sur ce site hébergé par le méchant Internet qui "nivelle tout"). Comme quoi "les rumeurs que l'on fait enfler", et qui finissent par être des vérités à force d'être rabâchées, sont colportées partout, y compris dans les journaux irresponsables les plus sérieux.

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