"Cellule fiscale" de Bercy : supprimée ou déplacée ?

Dan Israel - - 0 commentaires

De la difficulté de comprendre la subtilité des annonces pesées au trébuchet par le gouvernement, même lorsqu'on travaille à l'AFP.

Ce matin dans sa chronique économique sur France Inter, Philippe Lefébure a repéré un "couac" dans le travail de l'agence de presse hier soir, à propos de la "cellule fiscale" installée au sein du cabinet du ministre du Budget depuis des années, sous la droite, comme la gauche. Cette cellule est chargée de gérer en direct les dossiers fiscaux "sensibles". Lorsque Eric Woerth était ministre du Budget, plus de 6000 dossiers y ont ainsi été traités, rappelle Lefébure.

En juillet, le rapport rédigé par le patron de l'Inspection générale des Finances pour blanchir Woerth de tout soupçon sur une intervention dans le dossier fiscal de Liliane Bettencourt indiquait, en termes choisis, mais clairs, que son "existencemêmenourrit la suspicion". François Baroin, le successeur de Woerth, a donc décidé d'annoncer sa suppression. Mais ce n'est pas ce que l'AFP a compris… dans un premier temps.

Hier soir à 22h18, l'agence a publié une première dépêche sur l'annonce de Baroin, faite dans un entretien aux Echos, publié ce matin. Et elle ne parle pas de suppression : "Baroin maintient la cellule fiscale mais la sort du cabinet ministériel (presse)". Quatre minutes plus tard, une plus longue dépêche détaille : "François Baroin, ministre du Budget, annonce qu'il va maintenir la cellule fiscale controversée, chargée d'examiner des recours sur des dossiers de contribuables, mais qu'elle sera retirée du cabinet du ministre, dans un entretien publié jeudi par Les Echos."

Une heure plus tard, le changement de ton est total. A 23h29, une nouvelle dépêche, classée "Urgent", indique, dans le style inimitable de ces textes chargés d'alerter les rédactions sur un événement important : "La cellule fiscale, mise en cause dans l'affaire Bettencourt-Woerth, supprimée (ministère du Budget)". Les mots entre parenthèse indiquent la source. Le ministère du Budget a donc décroché son téléphone à une heure avancée pour corriger l'AFP.


Et à 23h42, on apprend effectivement que "la cellule fiscale va être définitivement supprimée", a déclaré à l'AFP un responsable du ministère, précisant que des recours pour les contribuables seront toujours possibles et qu'ils seront détaillés dans des circulaires publiées «prochainement»".

L'agence est donc revenue sur son annonce, mais sans indiquer qu'elle avait changé d'avis sur cette annonce. Qui est effectivement ambiguë. Qu'a dit François Baroin aux Echos ? Voici sa citation : "Il faut savoir que 95% des dossiers qui lui parviennent [à la cellule fiscale, ndlr] sont relayés par des élus, qui font remonter les demandes de renseignements et les questions. Ces voies de recours doivent donc continuer d'exister. Cependant, il est préférable de mettre fin à la cellule fiscale au sein même du cabinet du ministre. C'est ce que je compte faire dans les toutes prochaines semaines. Deux circulaires vont être publiées, la première sur le contrôle fiscal, la deuxième pour préciser les modalités de traitement des recours directement adressés au ministre. Ces recours seront adressés au comité du contentieux fiscal, composé essentiellement de magistrats. Le ministre pourra le saisir quand il est sollicité sur des dossiers importants, par des citoyens, des parlementaires ou n'importe quel corps intermédiaire."

En clair, la cellule disparaît en tant que telle, mais la pratique d'examiner de plus près certains dossiers perdure. Quelle différence ? Lefébure indique que Bercy lui a expliqué que le "comité de contentieux fiscal" qui examinera désormais les dossiers "est composé essentiellement de magistrats (des conseillers à la Cour des Comptes, à la Cour de Cassation ou au Conseil d'Etat...)" et qu'"il présente, donc, les meilleures garanties d'indépendance". Le ministère indique aussi que désormais, toutes les instructions du ministre seront écrites, alors que jusqu'ici, certaines instructions se faisaient oralement. Nous voilà rassurés.

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