Calais : les policiers interrogés par Yann Moix sous pression du préfet

Capucine Truong - - Investigations - 17 commentaires

L'agence de presse Hikari, produisant le film réalisé par Yann Moix, Re-Calais, dénonce des menaces proférées à son encontre par le préfet du Pas-de-Calais Fabien Sudry. Simultanément, des policiers filmés pour le documentaire retirent leur accord pour y apparaître, laissant soupçonner des pressions.

Documentaire sous pression. L'agence de presse avec laquelle Yann Moix réalise son documentaire à Calais, Hikari, révèle avoir été l'objet de menaces de la part du préfet du Pas-de-Calais, Fabien Sudry, depuis la publication par l'écrivain de sa tribune, dans Libération, dénonçant Emmanuel Macron à propos de Calais. Selon un communiqué commun de la Fédération française des agences de presse (FFAP) et du Syndicat des agences de presse audiovisuelles (SATEV), le préfet "a menacé directement et sans nuance les responsables de l'agence Hikari, en leur affirmant que «on ne s'en prend pas impunément dans ce pays au président de la République.»"

En parallèle, plusieurs personnes devant apparaître dans le documentaire ont annoncé à Hikari ne plus souhaiter y apparaître, dans les jours suivants la publication de la tribune de Moix, nous révèle Anthony Dufour, président fondateur de Hikari. A ce jour, l'agence a reçu trois lettres très similaires, dont deux émanant de  fonctionnaires de police.

Ces derniers apparaissent dans le montage publié par Yann Moix en même temps que sa tribune. Dans leur lettre, ils protestent contre l'utilisation de leur  image à des fins de "polémique", et accusent Hikari de ne pas avoir sollicité leur autorisation avant la diffusion du montage.

"Mon acceptation à la rencontre", écrit l'un d'eux, "était dans un objectif de préciser la réalisation de la gestion migratoire (...) Je ne souhaite pas paraître dans un quelconque reportage associé à votre polémique." En conséquence, ils retirent leur autorisation à paraître dans le documentaire, usant de la même formule juridiquement contraignante.

"C'est faux, répond Anthony Dufour. Ils ont le droit d'aller sur les questions de droit à l'image, mais ils avaient donné un accord clair, formel et enregistré pour apparaître dans le documentaire." Pour lui, "leur hiérarchie leur est tombée dessus."

"ce n'est pas être militant qu'être indigné"

"C'est une véritable déception pour nous", déplore Dufour, qui souligne que le travail de son agence et de Yann Moix, pour Re-Calais, n'est "pas du tout partisan." "On fait un travail de journaliste, c'est tout. Le choc de Yann Moix, c'est d'être confronté à la réalité d'une inhumanité qu'on imagine pas." Mais, remarque-t-il, "ce n'est pas être militant qu'être indigné."

Dans leur communiqué, la FFAP et la SATEV dénoncent aussi le double discours du préfet, jetant "l'opprobre" en public sur le travail d'Hikari en s'indignant qu'ils ne "filment pas de l'autre côté, le travail difficile des forces de l'ordre", tout en refusant "toutes les demandes de tournage en ce sens". Yann Moix et les équipes de tournage de l'agence, auraient ainsi été "systématiquement écartés par les forces de police qui ne souhaitent pas les voir témoigner de la situation dans la ville de Calais."

En effet, depuis la publication de la tribune de Moix, ce dernier et le préfet du Pas-de-Calais se sont opposés, par médias et réseaux sociaux interposés. Jeudi 25, Fabien Sudry a vivement pris à partie Yann Moix sur Twitter, dans une longue lettre où il dément les actes litigieux de la police dénoncés par Yann Moix.

Celui-ci, sur notre plateau, lui a fait un début de réponse. Dimanche, sur BFM, il a aussi réitéré ses accusations, parlant de "violence organisée au plus haut sommet de l'Etat." Des propos à nouveau démentis, sur Twitter, par le préfet : "Il n'y a pas de violence organisée à Calais. (...) Il est de nouveau demandé à Yann Moix d'apporter les preuves dont il dispose à la justice." Le documentaire Re-Calais devrait être diffusé sur Arte en mai. Yann Moix a reçu le soutien de journalistes couvrant la situation des migrants, à Calais, et ailleurs, comme Maryline Baumard, du Monde.

Pour voir notre émission avec Yann Moix : "L'adresse de Moix à Macron : «Il fallait attaquer la tête, et pas les jambes»"

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