Bruni, rien qu'une larme

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Heureux hasard de calendrier: Carla Bruni-Sarkozy sort justement un album.

Tournée de promo. Interview au Parisien. Et inévitables questions sur la mise en examen de Monsieur pour abus de faiblesse, dans l'affaire Bettencourt. Réponse de l'épouse: "C'est douloureux d'en parler, et aussi douloureux de ne pas en parler. C'est douloureux pour la famille". Et juste derrière cet aveu, cette didascalie du journaliste du Parisien qui recueille l'interview: "elle essuie une larme". Cette larme a-t-elle vraiment coulé ? Fut-elle si savamment unique ? Cette larme fera-t-elle l'objet d'une chanson dans le prochain album ? Ne faisons pas à notre confrère l'injure de penser qu'il pourrait avoir inventé cette larme. Admettons que la larme coula, historique, et fut essuyée. Une larme, pas davantage. Et le message est le suivant: pendant que Monsieur ("serein et combatif", selon Madame) va se battre pour faire éclater son innocence, Madame exprime la douleur de "la famille". Parfaitement calibré.

D'autres ont davantage de difficultés à se couler dans le personnage de la victime. Voici une ex-alliée de Frigide Barjot, sur France Inter, au micro de Pascale Clark. Elle vient, si l'on comprend bien, de créer un mouvement dissident, ce qui justifie l'invitation: Clark tente à toutes forces d'enfoncer tous les coins possibles entre Barjot et elle. C'est le jeu. Mais c'est surtout la dame, qui est intéressante. Pardonnez-moi si je n'ai pas toute ma voix, commence-t-elle, mais on a été gazés dimanche dernier. Ce mot de "gazés". Les manifestants anti-mariage pour tous pourraient dire: "on nous a envoyé des lacrymos". Ou bien -si l'on veut faire court- "on s'est pris des gaz". Mais non. Gazés. Et ces mines étonnées, quand on leur fait remarquer quel mot ils utilisent. Ben oui, gazés, ça s'appelle bien comme ça, non ? Gazés furent-ils donc, comme Christine Boutin chuta à terre, évanouie, lors de la même manifestation, comme une photo en fait foi. Résultat: sarcasmes immédiats du Petit journal et des internautes.

On aurait envie de leur crier: bien tenté, mais faites attention ! On sait bien que vous n'en avez pas l'habitude, vous qui êtes du côté du manche, qui incarnez la norme depuis toujours, mais la posture de victime médiatique s'exploite, s'affine, se polit, se travaille, mais ne s'improvise pas à partir de rien. Apprenez à doser les sanglots. Surjouer ne pardonne pas.

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