Boulin, mystères dans le mystère
Daniel Schneidermann - - 0 commentairesMatinaute, au rapport ! Revoilà l'affaire Boulin.
Avec un nouveau témoignage: celui d'un ex-gendarme, Francis Deswarte, qui a assisté à la découverte du corps du ministre du travail, en 1979, et rapporte, dans 20 Minutes, que le visage était hors de l'eau, et portait des traces de contusions. Conclusion: ce ne peut être un suicide. Conclusion de la conclusion: c'est bien un assassinat. Mais qui pouvait bien en vouloir à Robert Boulin ? demande Pascale Clark à Fabienne Boulin-Burgeat, fille du ministre, ce matin, sur France Inter. Qui donc ? Les dirigeants du RPR de l'époque, évidemment. Boulin savait des choses, sur ses chers compagnons de parti. Plein de choses. Il avait des dossiers. Et il s'apprêtait à parler. |
La thèse n'est pas neuve. Elle est défendue bec et ongles, depuis trois décennies, par la famille du ministre, épaulée par un petit groupe de journalistes opiniâtres (comme nous le rappelons dans cette enquête de Dan Israel). Le témoignage du gendarme Deswarte mérite certainement d'être considéré. Rappelons simplement (puisque personne ne le rappelle) que ce n'est pas le premier. En 2002, Canal+ donnait déjà la parole à...un autre gendarme, ayant assisté à la découverte du corps dans l'étang de Rambouillet, et qui, visage caché, disait exactement la même chose que Deswarte aujourd'hui (c'est la troisième vidéo de l'enquête dont je vous parle). Pourquoi Deswarte parle-t-il aujourd'hui, près de dix ans après son collègue ? Dans quelle mesure son témoignage d'aujourd'hui peut-il avoir été influencé par celui de ce collègue ? Les deux se connaissent-ils, se sont-ils parlés ? Mystères dans le mystère.
Surtout, ne pas trancher ici. Mais simplement rappeler que si l'hypothèse de l'assassinat de Boulin n'est pas exclue, la thèse du suicide d'un ministre atteint dans son honneur par le scandale de l'acquisition douteuse d'un terrain à Ramatuelle (affaire révélée par Le Canard enchaîné) n'est pas absurde non plus, corroborée par de nombreux éléments de "l'enquête officielle", comme on l'appelle, et que personne ne se donne aujourd'hui la peine de rappeler, tant la thèse de l'assassinat est évidemment plus attirante. Rien de plus ? Rien de plus.