Bombardement hôpital MSF : questions sur le rôle de la France et de l'Australie
Robin Andraca - - 0 commentairesUn mois après le bombardement, par l'armée américaine, de son hôpital de Kunduz (Afghanistan), l'ONG Médecins Sans Frontières (MSF) publie un rapport de 13 pages qui revient en détail sur l'attaque. Pour l'ONG, elle avait pour objectif de "tuer et de détruire". Le document apporte des précisions quant au déroulement des événements, mais pose aussi de nouvelles questions, notamment sur le rôle joué par des diplomates français et australiens quelques heures avant le bombardement.
Libe.fr, 05/11/2015
13 pages accablantes : dans un rapport publié aujourd'hui, MSF accuse l'aviation américaine d'avoir bombardé délibérément son hôpital de Kunduz dans la nuit du 2 au 3 octobre 2015. Vendredi 2 octobre, alors que deux drapeaux de MSF étaient placés sur le toit de l'hôpital et que ses coordonnées GPS avaient été transmises par l'ONG aux belligérants, des frappes aériennes détruisent une partie de l'hôpital et tuent trente personnes : dix patients, treize membres de MSF et sept corps toujours non identifiés. "Il n'y avait aucune raison d'attaquer l'hôpital : aucun combattant armé ne s'y trouvait, aucun combat ne s'y déroulait (...) Ce soir-là, la nuit était calme. Il n’y avait pas de combats aux alentours. Aucun tir n’a été rapporté, ni d’explosions à proximité", peut-on lire dans le rapport de MSF, basé sur les témoignages des membres de l'équipe qui ont échappé aux frappes.
Page 10 du rapport de MSF : "quelques heures avant le bombardement, MSF a été contacté par des diplomates français et australiens, les informant que plusieurs membres du personnel international de MSF risquaient d'être kidnappés"
Le document livre de nouveaux éléments sur le rôle des diplomaties française et australienne. On y apprend ainsi que : "quelques heures avant le bombardement, MSF a été contacté par des diplomates français et australiens, les informant que plusieurs membres du personnel international de MSF risquaient d'être kidnappés", écrit l'ONG. On y apprend également que l'ambassade de France à Kaboul a demandé à MSF les numéros de téléphone portable de ses ressortissants en cas de kidnapping. Deux demandes qui ont poussé MSF à faire dormir le personnel international (parmi lesquels deux Français, un Australien, un Cubain, un Malaisien, un Hongrois, un Sud-Africain et un Philippin) dans un bâtiment séparé et sécurisé.
Ces éléments pourraient expliquer pourquoi aucun membre du personnel international n'a été tué dans ce bombardement. Mais ils posent également de nombreuses questions : d'où les services secrets français et australiens tenaient-ils ces "informations" concernant un éventuel kidnapping ? Pourrait-il s'agir d'un "tuyau" américain, visant à évacuer les expatriés d'un lieu qu'ils avaient prévu de bombarder ? Trois enquêtes, une américaine, une afghane et une de l'Otan, sont toujours en cours. MSF, de son côté, réclame toujours la mise en place d'une "commission internationale humanitaire" pour faire la lumière sur ce bombardement.
L'occasion de revoir notre émission sur le bombardement de l'hôpital de Kunduz : "Les apparences d'un crime de guerre".