Bogdanov : lettre ouverte de scientifiques
Laure Daussy - - 0 commentairesLes Bogdanov suscitent à nouveau la colère dans la communauté scientifique.
Plusieurs dizaines de chercheurs ont signé un texte publié vendredi dernier sur le site web du mensuel Ciel et Espace, signale Libération. Ce document revendique leur "droit à blâmer" les frères Bogdanov pour leurs écrits "sans valeur scientifique". Ce texte a aussi pour objectif de soutenir l'astrophysicien Alain Riazuelo (CNRS, Institut d’astrophysique de Paris). Celui-ci a été condamné le 14mars dernier, à 1 euro de dommages et intérêt et 2000 euros d'amende avec sursis pour violation du droit d'auteur. Ce scientifique avait publié sur son site une "pré-thèse" de Grichka Bogdanov, pour en faire sa critique. Selon les Bogdanov, "le document mis en ligne datait de 1991 et n'était pas assez abouti pour être rendu public", cite le Monde, qui consacre aussi un article à ce sujet. |
Cette violation du droit d'auteur ne serait pas le motif réel de la plainte, souligne Ciel et Espace. "La violation du droit d'auteur était notre dernier moyen de le faire taire pour qu'il cesse de se comporter comme un délinquant", explique ainsi au Monde Igor Bogdanov, cité aussi par Ciel et espace. Riazuelo enquête depuis plusieurs années sur les Bogdanov, et ne se prive pas de les critiquer, notamment auprès de la presse. Riazuelo était un de nos interlocuteurs pour notre enquête sur les frères Bogdanov.
Le texte publié vendredi fait suite à une première protestation d’une dizaine d’astrophysiciens, publiée le 17avril sur le blog Sciences du site de Libération, tenu par le journaliste Sylvestre Huet.
proximité avec le pouvoir
Le jugement du procès est "étrange", souligne Huet. "Lors de ce procès, à la mi-mars, la juge s’était étonnée de la célérité avec laquelle le procureur avait traité le sujet, après un interrogatoire intimidant d’un officier de police à l’encontre d’Alain Riazuelo. A mots couverts, la présidente de la 31e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris avait attribué ce comportement policier et judiciaire à la "notoriété" des frères Bogdanoff, en réalité leur proximité avec le pouvoir en place à l’Elysée. Puis elle avait rendu un jugement a minima, rejetant la plupart des demandes contre Riazuelo", explique Huet.
Dans le Monde, aussi, on souligne la rapidité étonnante de la justice. "La diligence des services de police alimente les soupçons. Déposée le 19 mai 2011, la plainte de Grichka Bogdanov a donné lieu à une convocation de M. Riazuelo signifiée moins d'une semaine plus tard... De plus, selon plusieurs témoins, en rendant son jugement le 14 mars, la présidente de la 31e chambre correctionnelle du tribunal de Paris a déclaré oralement que le chercheur avait "manqué de prudence", vu "la notoriété du plaignant". Le Monde évoque aussi d'autres "pressions ou de menaces voilées de poursuites" de la part des Bogdanov, contre des chercheurs qui les critiquent.
Dans leur lettre ouverte, les scientifiques rappellent le "dysfonctionnement de la communauté scientifique" qui a abouti à donner le titre de docteur de l'université de Bourgogne aux Bogdanov. Nous vous en parlions ici. Leurs deux thèses ont ensuite fait l'objet d'un rapport du CNRS qui concluait : "ces thèses n''ont aucune valeur scientifique". Les Bogdanov ont ensuite déposé deux plaintes contre Marianne, qui avait publié ce rapport.
"En soulignant la faute morale qu’a constitué cet épisode (ndlr, l'acceptation de leur thèse par certains chercheurs), le texte des scientifiques admet la part de responsabilité de certains d’entre eux dans l’affaire. C’est désormais aux médias, en particulier aux chaînes de télévision qui déroulent sans vergogne le tapis rouge devant les jumeaux, de faire leur autocritique", ajoute Huet. Côté presse écrite, en tout cas, à lire les articles de Huet dans Libé, et de Stéphane Foucart dans Le Monde, on est loin de dérouler le tapis rouge aux Bogdanov.
Retrouvez notre enquête sur les Bogdanov, et l'article sur le rapport du CNRS ici.