Blogs : le porno féministe existe-t-il ?

Robin Andraca - - 0 commentaires

"Le porno féministe n'existe pas" : c'est l'avis (tranché) d'Agnès Giard, journaliste spécialisée dans les questions de sexualité, dans un message publié hier sur son blog.

Persuadée qu'un "alter-porno" est bien possible, la réalisatrice Ovidie, venue en discuter sur notre plateau en juin dernier, lui a répondu.

Capture Libe.fr, 12/08/2015

Féministe ou pas féministe le porno ? Pour Giard, c'est simple : le porno féministe, qui se distingue par plusieurs critères (une femme à l'origine du projet, le respect des acteurs (trices), la jouissance féminine représentée et les rôles assignés à chaque genre pouvant être brisés) n'existe même pas ! Pire, il véhiculerait le même discours stigmatisant que les ligues anti-pornographie. "Lorsqu’elles (ndr- Erika Lust, réalisatrice suédoise, et Ovidie) affirment qu’elles veulent faire du «bon» porno, elles sous-entendent que le porno en soi est «mauvais», rejoignant ainsi la cohorte des censeurs", estime la journaliste avant de rappeler que l'influence du porno sur le comportement des spectateurs ("pas plus que celle de la violence dans les jeux vidéo", précise-t-elle) n'a jamais été prouvée.

"Les spectateurs non seulement sont capables de faire la distinction entre fiction et réalité mais ils tirent leur plaisir du léger hiatus qui sépare le porno d’un documentaire". Le porno féministe n'aurait donc aucune raison d'être car, selon Giard, le porno de masse n'est pas sexiste, mais... "transgressif". "A rebours d’une morale bourgeoise qui réprime les comportements dits «bestiaux», l’excès, la transe et la violence, le porno met en scène l’utopie d’un monde peuplé de femmes avides et disponibles. Il s’agit de faire rêver le spectateur / la spectatrice sur l’image d’un désir contagieux, immédiat, facile à satisfaire entre les bras de créatures torrides et vicieuses". Fin de la démonstration.

"pas seulement une accumulation de cunnilingus"

Trop tendre le porno féministe, dont nous avions montré un extrait sur notre plateau en juin ? Ce n'est pas l'avis d'Ovidie, qui milite depuis des années pour un "alter-porno", plus respectueux des actrices. "Tendre Courtney Trouble qui fiste à tour de bras ? Tendre Saddie Lune qui éjacule du lait maternel en pleine poire de son/sa partenaire ? Le porno féministe est un genre varié (...) Ce n’est pas seulement une accumulation de cunnilingus ni de paillettes et de ventilateur dans les cheveux". Sur son blog "Ticket de métro", hébergé par Metronews, l'auteure du documentaire A quoi rêvent les jeunes filles ? répond aux critiques de Giard. "Le porno féministe n’est pas une niche ni une catégorie porno, mais un réel mouvement composé d’individus féministes". Un mouvement "artistique et politique, peuplé de gens, principalement des femmes cisgenres et transgenres et des hommes, qui revendiquent appartenir à ce mouvement et s'y impliquent".

Capture Metronews, 13/08/2015

Sur le fond non plus, les deux blogueuses ne sont pas d'accord. D'un côté, Giard estime que le porno féministe "prétend libérer les femmes de l’oppression, à grands renforts d’images esthétisantes, mais les enferme dans une imagerie plus nocive que les pires des productions hardcore". De l'autre Ovidie, pour qui cet argument relève d'une "attaque classique" : "C’est le discours d’un James Deen (ndr- célèbre acteur porno) qui a tourné dans des centaines de gonzos on ne peut plus normatifs, et qui accuse les féministes d’empêcher les femmes de découvrir leur «vraie» sexualité (traduction : la sexualité où la femme a pour rôle unique de sucer, de se faire pénétrer, et éventuellement de faire comme si elle jouissait pour satisfaire l’ego de celui qui la culbute). On croit rêver".

L'occasion de revoir notre émission, sur la possibilité d'un porno féministe, avec Ovidie : "Youporn, c'est un peu le Monsanto du porno !".

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