BlackRock, maître du monde et des pensions de retraite

Emmanuelle Walter - - 38 commentaires

Un documentaire d'Arte décrit la surpuissance planétaire d'un financier US qui a rencontré plusieurs fois des membres du gouvernement Macron

Télérama rend accessible un documentaire saisissant (Arte) consacré à BlackRock, le "gestionnaire d'actifs le plus puissant du monde". On y apprend entre autres que le président Macron a rencontré plusieurs fois son PDG, Larry Fink, et que BlackRock tire ses milliers de milliards de dollars de petits épargnants soucieux d'arrondir leurs pensions de retraite.

Ce n'est pas tous les jours qu'on a l'impression d'avoir rencontré le maître du monde. Avec ce documentaire sur l'Américain Larry Fink et son entreprise tentaculaire, BlackRock (14 500 employés qui brassent "plus de 6000 milliards de dollars"), disponible sur le site de Télérama depuis septembre, les présentations sont faites. En accueillant Fink à Paris dès le début de son quinquennat, Emmanuel Macron a rendue visible l'influence ahurissante de BlackRock sur les économies nationales, y compris européennes, et les gouvernements. Ce qui singularise également BlackRock, c'est qu'une grande partie de sa richesse colossale vient de l'argent que lui confient des retraités ou futurs retraités qui cherchent à arrondir leurs fins de mois ou futures pensions via des produits d'épargne à moindre coût, comme les ETF (Exchange Traded Fund), directement indexés sur les indices boursiers. 


un droit de vote dans 17 000 entreprises

Le film de Tom Ockers est utile pour les ignares en matière de finance mondialisée. On y apprend que BlackRock, en gérant l'argent de ses clients, est devenu l'actionnaire ultra dominant de nombreuses multinationales (Facebook, Airbus, L'Oréal, Microsoft, McDonald's), et exerce son droit de vote dans 17 000 entreprises, au point de nuire au principe même de la concurrence. Mais pas seulement. Par exemple, l'entreprise a créé un algorithme de prévision conjoncturel, Aladdin, qui absorbe et analyse des quantités colossales de données façon Big Brother, et les revend sur mesure pour les investisseurs ; elle a tenté de spolier ses propres employés en plaçant leur épargne retraite sur des fonds médiocres ; après la crise de 2008, BlackRock est devenue, pour nombre de gouvernements - Etats-Unis, Allemagne - , un consultant chargé d'évaluer la robustesse des banques, ce qui lui a permis d'accéder à des données sensibles, faisant craindre une pratique de délits d'initié. 

Au Mexique, le président de gauche Obrador a du renoncer, sous sa pression, à des nationalisations. Et en France? Le film révèle deux rencontres entre Larry Fink et Emmanuel Macron, au tout début du quinquennat lors du One Planet Summit, consacré aux questions climatiques, puis, cinq mois plus tard, à l'Elysée. Checknews dresse ce lundi soir 9 décembre une liste plus complète des nombreuses interactions entre le gouvernement Macron et BlackRock, et décrit un appétit notable du géant américain pour les retraites françaises : "Dans une note titrée «Loi pacte : le bon plan retraite», de juin 2019, BlackRock listait même publiquement ses recommandations, notamment au gouvernement français, afin de développer l’épargne retraite. Entre autres préconisations : «Pérenniser le dispositif législatif et les incitations fiscales de long terme», «Faciliter ou prévoir la mise en place d’incitations comportementales pour accroître le niveau des contributions volontaires», «Intégrer un volet éducation financière pour soutenir le marché cible d’épargnants qui n’ont pas accès à un conseiller financier», «Faire bénéficier les particuliers à faibles revenus de mesures d’incitations additionnelles», et même «Imposer à terme la mise en place des dispositifs d’épargne-retraite de type auto-enrolment (adhésion automatique)»…". 

Macron, ajoute le documentaire, «a créé une commission dont l’un des membres n’est autre que le patron de BlackRock France, Jean-François Cirelli (...) qui ne cesse de réclamer un recours accru aux fonds spéculatifs pour l’assurance vieillesse» (voir montage ci-dessus). Avec cette influence du fonds d'investissement BlackRock et le bénévolat de Delevoye dans le milieu des assurances, le projet de loi sur les retraites a pris une coloration particulière. 

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