Berlusconi : 100 000 écoutes ? (presse italienne)

Gilles Klein - - 0 commentaires

Début de semaine délicat pour Silvio Berlusconi, convoqué lundi matin devant un tribunal milanais dans une procédure où il est accusé d'avoir versé 600 000 dollars à David Mills, un avocat britannique (qui travaillait pour lui dans les années 90), afin que ce dernier mente à la justice. Pendant le week end, dans le cadre d'une autre procédure, la diffusion d'extraits d'écoutes téléphoniques dévoilant d'autres aspects de sa vie sexuelle, et ses relations avec de jeunes prostituées, ont aussi placé le chef du gouvernement italien en mauvaise posture.

"Trente filles pour le Premier ministre", titre La Stampa du 16 septembre 2011.

"Il y a avait la queue devant ma chambre. Elles étaient onze, mais je m’en suis fait seulement huit parce que je n’en pouvais plus. Mais ce matin je me sens mieux. Je suis content de résister à l'usure de l'âge": C'est Berlusconi qui parle au téléphone, le 1er janvier 2009, à Giampaolo Tarantini, un homme arrêté par la police de Naples le 1er septembre. A Marystell, une jeune fille qui s'étonne de son style de vie, il répond, en plaisantant sur son poste de chef du gouvernement : "Je fais le président du Conseil à temps partiel." Ces conversations et plusieurs autres, issues d'écoutes de police, ont été publiées dans plusieurs journaux comme le quotidien La Stampa, qui avait commencé dès vendredi.

Le chiffre étonne, mais il y aurait une centaine de milliers d'écoutes téléphoniques sur le chef de gouvernement. Ce mardi, Libération cite une autre réflexion prêtée à Berlusconi: "Alors que l’Italie a besoin de l’Allemagne pour faire face à l’attaque des marchés, le journal de gauche Il Fatto a avancé que Berlusconi avait émis une appréciation toute personnelle d’Angela Merkel: «Un gros cul imbaisable.»"

Ces écoutes viennent de l'enquête sur le dénommé Tarantini et son épouse, arrêtés tous les deux, accusés d'extorsion de fonds au détriment de Berlusconi et de prostitution organisée. C'est un dénommé Valter Lavitola (ancien patron du quotidien l'Avanti, actuellement recherché par la police) qui aurait servi d'intermédiaire entre les deux hommes.

Berlusconi aurait versé 500 000 euros, puis d'autres sommes, pour un total de 850 000 euros, à Tarantini pour qu'il ne révèle pas à la police qu'il lui fournissait des prostituées. La presse italienne expliquait samedi que Tarantini avait organisé une vingtaine de soirées en 2008 et 2009, en investissant près de 30 000 euros pour lui fournir une trentaine de filles, que Berlusconi rétribuait de son côté.

"Les conversations téléphoniques du Premier ministre sur ses fêtes et ses nuits avec des jeunes filles", titre le Corriere della Sera du samedi 17 septembre. Lavitola, l'intermédiaire, est accusé d'avoir gardé 400 000 euros sur les 850 000 euros prévus pour acheter son silence.

Berlusconi dément avoir été victime d'un chantage, et déclare avoir versé l'argent pour aider ses amis Tarantini. Mais il ne risque rien puis qu'il n'est pas interdit de recourir à des prostituées.

Berlusconi a réagi en envoyant une très longue lettre à Giuliano Ferrara, patron du quotidien Il Foglio : "Il est vrai, que mon comportement, tel qu'il est présenté ces jours-ci dans la presse, semble scandaleux. Mais je n'ai rien fait de ce que l'on a dit (...) et je n'ai jamais rien fait dont je devrais avoir honte."

Berlusconi, par ailleurs, continue à dénoncer un complot politique, médiatique et judiciaire dirigé contre lui.

Début septembre, la presse italienne publiait le contenu d'une autre conversation téléphonique enregistrée par la police, le 13 juillet 2011, dans le cadre de l'enquête en cours. "Je ne fais rien qui puisse être considéré comme un délit. On peut dire de moi que je baise, c'est la seule chose que l'on puisse dire. Dans quelques mois je m'en vais pour m'occuper de mes oignons, ailleurs, je m'en vais de ce pays de merde qui me donne envie de vomir", disait Berlusconi à Lavitola.

Le 8 septembre, l'hebdomadaire l'Espresso publiait la retranscription d'une autre conversation téléphonique, datée du 24 août, dans laquelle Berlusconi conseille à Lavitola (toujours en fuite, en Bulgarie, lors de l'appel) : "Ne reviens pas", "reste à l'étranger." Il peut paraître plutôt étrange qu'un chef de gouvernement puisse parler ainsi à un homme recherché par la police, mais visiblement Berlusconi n'y voit aucun problème. Ce week-end, lors d'un meeting de son parti, le PDL, celui que Berlusconi a choisi comme son sucesseur Angelino Alfano, a indiqué que son mentor n'avait pas l'intention de démissionner, malgré les demandes de l'opposition, et qu'il irait jusqu'à la fin de son mandat en 2013.

La révélation des scripts de ces écoutes a-t-elle joué un rôle dans la dégradation par Standard and Poor's de la dette souveraine italienne ? Lisez donc la chronique de Daniel Schneidermann, "Incultes et omniscients, la grande jonction".

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