béni sois-Tu qui ne m'as pas fait femme !

Alain Korkos - - 0 commentaires

C'est Rue89 qui a répandu cette histoire révélée par le site israélien Walla.com : le journal israélien ultra-religieux Hamevasser a publié une photo retouchée des officiels présents à la marche parisienne de dimanche dernier :


Sur cette photo, en effet, ont disparu Angela Merkel et Anne Hidalgo, ainsi que deux autres femmes présentes à gauche de l'image ! Voici la photo originale avant gommage et recadrage :


Mise à jour de 17h40 : Le site Les Nouvelles / News précise : « (…) faire disparaître la maire de Paris Anne Hidalgo et la ministre italienne des Affaires étrangères Federica Mogherini (…) ainsi que la présidente de la Confération helvétique Simonetta Sommaruga, dont une partie du visage apparaissait derrière le Premier ministre turc ».

Pourquoi cette retouche stalinienne ? Parce que Hamevasser est un journal ultra-orthodoxe. Et pour les barbus en redingote noire, la proximité des femmes est totalement inenvisageable, absolument indécente.

D'où vient cette ségrégation ? « Dans le judaïsme orthodoxe, écrivait dans Libération en janvier 2012 le rabbin Yeshaya Dalsace, les femmes subissent la ségrégation presque naturellement: dans les synagogues, dans les cercles d’étude juive, dans quasiment toutes les formes de vie sociale, y compris les postes politiques de responsabilité. (…)Le fait que chaque Juif orthodoxe commence sa journée en prononçant la bénédiction "béni sois-Tu qui ne m’as pas fait femme" n’est pas chose innocente, cela exprime l’idée même de cette inégalité de droit entre hommes et femmes dans la religion juive. Il faut se rappeler que le droit de vote des femmes fut imposé au forceps par la composante laïque du mouvement sioniste et que les partis orthodoxes n’ont toujours pas d’élus femmes.
(…)
Certes, la racine du problème se trouve dans certaines sources juives, mais le Talmud étant truffé d’autocritique et de débats contradictoires, le danger provient avant tout d’une lecture radicale de ces sources, lecture sans concession, sans réinterprétation, dans un fidéisme craintif nourri d’une apologétique sans faille. Il s’agit donc d’une approche rigoriste nourrie par une vision médiévale des choses. Si l’on veut produire de l’exégèse permettant l’ouverture et l’amélioration de la condition féminine, l’expérience prouve que c’est possible dès lors que l’exégète en a la volonté, y compris dans les rangs orthodoxes. Des milliers de pages ont été déjà écrites sur tous ces sujets, montrant que le judaïsme n’a pas forcément un visage obscurantiste et n’est pas condamné au triste spectacle qu’il offre actuellement. »

Mais ils s'en foutent, les ultra-orthodoxes israéliens, qu'on les taxe d'obscurantisme ! Ils s'en foutent d'autant plus qu'ils possèdent actuellement à la Knesset 18 sièges sur 120 (parti Shass + Yahadut Hatorah) et font ainsi la pluie et le beau temps, contraignant le Likoud de composer avec eux. Ils représentent, d'autre part, environ 10% de le population israélienne.

Alors, dès qu'il sont obligés de publier une photo dans laquelle figure une ou plusieurs femmes, hop hop, ils sortent la gomme électronique et c'est dans ces moments-là qu'on s'aperçoit que, résolument tournés vers le passé, ces joyeux zozos ne dédaignent toutefois pas le confort moderne quand le besoin s'en fait sentir. Ainsi, en avril 2009, les journaux Yated Neeman et Shaa Tova avaient effacé les deux seules femmes qui figuraient sur la photo du cabinet israélien nouvellement constitué : Limor Livnat, ministre de la culture et des sports, et Sofa Landver, ministre de l'intégration (@si en avait parlé par là).

Voici la photo avant et après, telle que publiée par Yated Neeman :


L'occasion inespérée de lire ma chronique intitulée Lire au pied du mur où il est de la représentation des Juifs pratiquant la lecture.


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