Ben Ali : autocritique de Jeune Afrique
Gilles Klein - - 0 commentaires"Des lecteurs exigeants, dont nous publions les lettres dans ce numéro, nous reprochent avec amertume de ne pas avoir dit «toute la vérité» sur les méfaits du pouvoir déchu, voire de l’avoir volontairement occultée, lorsque ce dernier régnait sur la Tunisie",écrit le magazine Jeune Afrique qui fait une autocritique en expliquant son attitude.
"Pendant vingt-trois ans, le type de relation qui a prévalu entre Jeune Afrique et Zine el-Abidine Ben Ali peut être qualifié de «cohabitation conflictuelle». (...) Lorsque Ben Ali arrive au pouvoir entouré de la ferveur populaire, le 7 novembre 1987, J.A. est interdit en Tunisie depuis six mois sur ordre d’un Bourguiba à bout de souffle. L’une des toutes premières mesures prises par le nouveau président et son Premier ministre de l’époque, Hédi Baccouche, est de lever cette interdiction. Entre nous et le Palais de Carthage commence alors une période des «cent fleurs» qui durera… quatre semaines. Dès la mi-décembre (...) le pouvoir – en la personne d’Abdelwaheb Abdallah, délégué à cette tâche par le président Ben Ali lui-même – décide de restreindre arbitrairement notre diffusion en la soumettant à un quota malthusien. En vingt trois ans de régime Ben Ali, ce mois de la fin 1987 aura été le seul moment de liberté totale pourJeune Afrique en Tunisie." "Aboli près de cinq ans plus tard, en 1992, le système des quotas est en effet aussitôt remplacé par un autre, encore plus pernicieux. Il s’agit de l’autorisation administrative préalable à la mise en vente, une spécificité tunisienne à géométrie variable qui permet aux censeurs de retenir sous douane un numéro de J.A. pendant une période élastique, puis de le relâcher au moment ou un autre arrive sur le marché afin d’en «casser» la diffusion." Jeune Afrique daté du 23 janvier 2011 "L’ancien régime n’a pas brandi, vis-à-vis de J.A., que le bâton de la censure. Il a aussi manié ce qu’il croyait être une carotte. Comme d’autres supports, Jeune Afrique a ainsi diffusé des pages de publicité commerciale dont le pourvoyeur unique et obligé était l’Agence tunisienne de communication extérieure. (...) On peut valablement nous reprocher de ne pas avoir tout dit sur ce régime, en particulier de ne pas avoir dénoncé avec vigueur son aspect le plus détestable: sa kleptocratie familiale. L’eussions-nous fait que nous aurions depuis longtemps été interdits, privant nos lecteurs du soupirail de liberté qui leur restait : une génération complète de Tunisiens n’aurait jamais lu J,eune Afrique" explique l'éditorial de Jeune Afrique. Qui donne deux exemples de Une avec les réactions du pouvoir de Ben Ali.
Une autocritique qui peine à convaincre un ancien dirigeant du magazine : ‘‘Jeune Afrique n’a pas mangé – ou pas autant qu’il l’aurait voulu – aux râteliers de Ben Ali. Le magazine de Béchir Ben Yahmed était même, au cas où vous ne vous étiez pas rendu compte, victime de la censure exercée par le système mis en place par Abdelwaheb Abdallah", ironise, sur le site Kapitalis, Rhida Kéfi."Ayant prêté mes services à ce magazine douze ans durant, en tant que rédacteur en chef délégué, entre 1994 et 2006, je serais peut-être accusé d’être un traître, si je n’en avais pas démissionné à deux reprises, en 1996 et 2006, pour me libérer – et le mot est faible – des pressions auxquelles j’étais soumis par la direction, elle-même soumise aux diktats de ses donneurs d’ordres tunisiens: les Abdelwaheb Abdallah et Oussama Romdhani." |