Banquise : quand les medias fondent pour les morses
Robin Andraca - - 0 commentaires35 000 morses se réfugient sur une plage dans le nord-ouest de l'Alaska, faute de banquise.
La photo prise du ciel par des chercheurs de l'Agence nationale océanique et atmosphérique américaine (NOAA) et de l'Institut américain de géophysique (USGS) a fait le tour des médias français ce matin. Mais ils ne disent pas tous la même chose.
De loin, ça ressemble à une grosse tache coincée entre l'eau et la terre. Une tache composée de 35 000 morses qui se pressent sur une plage en Alaska. Symbole du réchauffement climatique, tous les médias ont évidemment fondu sur cette photo. C'est Audrey Garric, journaliste environnement au Monde, qui a ouvert le bal hier. BFM, Le Figaro, 20 Minutes, Ouest-France, LCI, Le Nouvel Observateur, i>Télé, Le Dauphiné et FranceTVInfo ont repris.
Tous s'accordent sur ce point, en s'appuyant sur les conclusions de la NOAA et de l'USGS qui ont observé les animaux s'entasser sur cette plage, près de Pont Lay : la principale raison de cette migration est la fonte de la banquise provoquée par le réchauffement climatique. La banquise, sur laquelle ces animaux mettent bas ou chassent. Comme l'explique Garric sur son blog, les morses utilisent la glace comme "plongeoir" pour atteindre les escargots, palourdes et vers situés au fond de l'eau, sur le plateau continental peu profond. Jusque-là, tout le monde est d'accord.
Mais ensuite, les choses se compliquent. Si Le Dauphiné, i>Télé, LCI, Ouest France, 20 Minutes et BFM TV affirment que les morses se sont "échoués" sur une plage en Alaska, reprenant le titre de la dépêche AFP, le mot n'est pas tout à fait exact : si la glace est un élément indispensable à sa survie (comme nous l'apprend L'Express), le morse appartient à la catégorie des pinipèdes, ces mammifères marins qui ne se sont pas tout à fait affranchis du milieu terrestre (contrairement à leurs amis les cétacés) et ont encore besoin, de temps en temps, d'aller se reposer sur terre. Il serait plus exact de dire que les morses sont allés "se réfugier" sur la plage.
Se sentant soudainement pousser une passion pour l'animal semi-marin et ses habitudes de migration, @si est allé faire un petit tour sur la fiche Wikipedia du morse. Et là, stupeur, que peut-on lire dans le chapitre "Biotope et migrations" ?! "En dehors de la saison des amours et de gestation, c'est-à-dire à la fin de l'été et en automne, les morses forment des colonies de plusieurs dizaines de milliers d'individus sur les plages ou les affleurements rocheux".
Nous aurait-on menti ? Les deux informations ne sont pas contradictoires, assure à @si Sami Hassani, chef du service des mammifères marins d'Océanopolis, aquarium de Brest., qui confirme que si les concentrations de morses sur les plages peuvent advenir, une telle concentration ne s'était encore jamais vue : "En Arctique, la banquise est le territoire privilégié des morses qui y voient une zone de repos intéressante. Elle leur permet d'accéder facilement à leur terrain de chasse. Mais quand la banquise fond, les surfaces disponibles pour les morses sont plus restreintes ce qui les pousse à se réfugier sur les plages. Du coup, ça fait des images spectaculaires".
Impossible de savoir, pour l'instant, si ces migrations précipitées auront un impact sur la mortalité des mammifères. Mais la photo, largement reprise dans les médias américains aussi, pourrait faire date selon Marget Williams, directrice du programme arctique du World Wildlife Fund (WWF), interrogée par l'agence de presse AP : "Les morses nous disent ce que les ours polaires nous ont dit et ce que beaucoup d'autochtones nous avaient dit : l'environnement arctique change extrêmement rapidement, c'est le moment pour le reste du monde d'en prendre connaissance mais aussi de prendre des mesures pour s'attaquer aux causes du changement climatique".