Bangladesh : un nouveau blogueur assassiné
Robin Andraca - - 0 commentairesOyasiqur Rahman, blogueur connu au Bangladesh pour ses prises de position contre le fondamentalisme religieux, a été tué le 30 mars par trois personnes dans les rues de Dacca, capitale du pays. En février, un autre blogueur avait été tué dans des circonstances similaires.
Rahman travaillait dans une agence de voyage. Mais le jeune homme de 27 ans était surtout connu sur Internet, sous les pseudos Kutshit Hasher Chhana ou "Vilain petit canard". Sur son blog, ou sa page Facebook, Rahman se moquait régulièrement du fondamentalisme religieux. Ou comme le décrit Imrama Sarker, responsable du réseau de blogueurs Blogger and Online Activits Network, interrogé par l'AFP, "c'était un libre penseur progressiste opposé au fondamentalisme religieux".
Lundi matin, Rahman a été attaqué par trois hommes, armés de machettes. Parmi eux, deux ont tenté de prendre la fuite avant d'être rattrapés par plusieurs habitants, qui les ont ensuite livrés à la police. Alors que le troisième agresseur est toujours en fuite, les deux hommes, étudiants en religion, ont rapidement avoué. Selon eux, ils ont obéi à un homme nommé Masum, qui leur avait demandé de tuer le blogueur parce qu'il avait "fait des commentaires contre l'islam". "Ils parlaient avec moi très tranquillement, me confiant qu'ils avaient fait du bon travail en tuant le blogueur. Ils ne se sentent absolument pas coupables", a aussi confié à la BBC Mohammad Jamil Khan, journaliste au Dhaka Tribune.
Cinq semaines plus tôt, le 26 février, Avijit Roy, écrivain et blogueur qui avait émigré aux États-Unis avec sa femme quinze ans plus tôt, avait été tué dans des circonstances similaires. De retour au Bangladesh pour participer à un festival de littérature, Roy avait été tué à coups de machette alors qu'il rentrait chez lui avec sa femme, grièvement blessée. L'écrivain était un athée fondateur du blog Mukto-Mona ("Libre-pensée") et un fervent promoteur du sécularisme, dans un pays où 90% de la population est musulmane. En 2013, Ahmed Rajib Haider, qui s'en prenait régulièrement au fondamentalisme religieux sur son blog, avait lui aussi été égorgé près de son domicile, dans une zone résidentielle de la capitale.
"Fils de chien, tu seras aussi tué"
Après l'assassinat de Roy, Rhaman avait, selon le New York Times, changé sa photo de profil sur Facebook, où l'on pouvait lire "Je suis Avijt", en référence au slogan "Je suis Charlie", utilisé après les attentats de janvier en France. Quelques jours plus tard, sur son blog, il avait écrit : "Le stylo continuera son travail, continuera jusqu'à la mort de votre croyance". "Obtenir la destruction de l'islam, obtenir la destruction de l'islam, obtenir la destruction de l'islam", pouvait-on aussi y lire. Un utilisateur, répondant au nom de "Amazing Boy", avait alors posté le message suivant, dans la section commentaires : "Fils de chien, tu seras aussi tué".
Ces assassinats ont poussé le Daily Dhakar à publier un éditorial, intitulé "Le meurtre de Oyasiqur était évitable". Selon ce quotidien de la capitale bangladaise, rédigé en anglais, cet assassinat ne peut être traité comme un "incident isolé". "Le gouvernement doit faire plus pour protéger ses citoyens. Les autorités ne doivent pas tarder à enquêter pleinement sur les raisons qui ont conduit à l'assassinat de Oyasiqur et identifier les liens avec d'autres attaques". Ces dix dernières années, selon le Daily Dhakar, 15 universitaires et écrivains auraient été assassinés dans des circonstances similaires, après avoir reçu des menaces de mort, liées à leurs opinions religieuses.