Bangladesh/ effondrement : les victimes attendent toujours (Libé)

Laure Daussy - - 0 commentaires

Trois mois après l’effondrement au Bangladesh de l’immeuble du Rana Plaza, auquel nous avions consacré une émission, les rescapés n'ont pas été pris en charge, dénonce un rapport publié début août et cité par Libération.

Selon un think tank bangladais indépendant, le Centre pour un dialogue politique (CPD), 750 employés du Rana Plaza n’ont toujours pas reçu d’indemnisation, plus de cent jours après l’effondrement de cet immeuble à Dacca qui a fait plus de 1000 morts le 24 avril dernier. "Ils n’ont plus de travail, pas d’argent. Ils sont dans une situation misérable", dénonce une militante du CDP, Kalpona Akhter.

Certains blessés ne peuvent pas payer leur traitement médical, des familles sont sans ressources car elles n’ont pas retrouvé d’emploi. Les employeurs n’ont pas réglé l’intégralité des salaires, ni des heures supplémentaires (pour 60 heures de travail par semaine, payées 30 à 80 euros par mois), ni les indemnités de licenciement ou les assurances décès (1 000 euros par mort). Et tous les ouvriers ne bénéficiaient pas d’assurances. La confédération syndicale IndustriALL chiffre les besoins d’indemnisation à 54 millions d’euros, bien plus que ce que le textile bangladais est prêt à payer.

Le syndicat des patrons du textile, le BGMEA, (Bangladesh Garment Manufacturers and Exporters Association) semble même incapable d’identifier les employés présents le jour du drame : il parle de 2 760 personnes, alors que le rapport mentionne le nombre de 3 900.

Syndicats et ONG tentent d’impliquer les marques occidentales qui s’approvisionnent au Bangladesh, mais peu d’entre elles ont accepté, précise Libé. Une réunion est prévue en septembre à Genève pour les inciter à participer. Les groupes occidentaux ont signé deux accords séparés pour renforcer la sécurité dans les usines et contrôler les conditions de travail. (80 Européens d’un côté, rejoints par le Japonais Uniqlo depuis jeudi, et 17 Nord-américains de l’autre). Wal Mart et Gap, notamment, n'avaient pas voulu signer l'accord, mais s'y sont finalement résolus. Au final, l’accord américain reste non contraignant. Le CPD réclame également "un plan concret, des responsabilités bien établies, un échéancier précis", ainsi que de la transparence, un code de conduite et des organes indépendants de contrôle. Mais rien de tel n’existe dans ce pays gangrené par la corruption, souligne Libé.

Autre question, le statut des syndicats. Sur 5000, seules quelques dizaines d’usines textiles comptent des militants syndicaux. La loi a légèrement changé mi-juillet. Jusqu’ici, le patron était prévenu quand un employé se syndiquait : le harcèlement commençait alors, jusqu’au licenciement, raconte Libé. Cette clause a été supprimée mais, selon la militante Kalpona Akhter, "ça ne signifie pas que les travailleurs vont rejoindre les syndicats. Dès qu’ils commencent à s’organiser, les patrons les en empêchent. Il faudrait une protection des délégués."

Le problème est plus profond, déplore le président du CPD, Rehman Sobhan : "Pour que nous soyons compétitifs, il faut que les employés n’aient aucun droit, qu’on puisse les licencier sans problème. C’est la flexibilité qui nous permet d’être compétitifs. (...) Comme la concurrence va se poursuivre, Wal-Mart et les autres chercheront toujours les fournisseurs les moins chers car les clients occidentaux regardent surtout le prix." Le tee-shirt acheté 5 dollars au Bangladesh "sera toujours vendu 25 à New York". Il faut donc, selon lui, "exiger des grandes marques qu’elles rendent des comptes sur les richesses que créent nos productions".

Lire sur arretsurimages.net.