Avec Camille, libérons miss France !

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

demande Miss France, à peine couronnée, filmée par la caméra de 7 à 8 (TF1).

"Mais où est Maxime ?" Maxime, c'est son petit ami. Autant dire la part d'ombre, de celle qui est devenue pour un an "la fiancée de la France". Maxime ne doit jamais être dans le champ des caméras, c'est la règle jalouse du business Miss France. Maxime n'a pas d'existence officielle. Et l'on voit le brave petit soldat souriant Camille Cerf faire les premiers pas de son parcours d'un an d'optimisme et de bonheur, prendre la pose presque nue dans une station service glaciale, puis escortée par Mickey dans sa suite à quelques milliers d'euros du parc Mickey, où elle n'aura même pas le temps de dormir. Et sans cesse cette complainte timide, cette bouteille à la mer : "où est Maxime ? Il va pouvoir venir demain ?" "Dans ces conditions, un couple peut tenir ?" demande Miorandini à la chaperonne de Camille, Sylvie Tellier, directrice générale de la société Miss France, celle qui remplace la dame au chapeau dans la nouvelle saison produite par Endemol. Réponse dans les rires : "Ca tient rarement. Mais ça peut tenir."

Pourquoi TF1 a-t-elle choisi de privilégier au montage l'angle Maxime ? Pourquoi 7 à 8 met-il en scène ce cruel spectacle de la jeune fille arrachée par la gloire à son amant ? Un instant, on croit que l'on entrevoit "l'envers du décor" du business des Miss, on croit que l'enquête de TF1 démystifie le spectacle de TF1. Mais non. Ce n'est pas l'envers du décor. C'est encore le décor lui-même. Cette image furtive du couple enlacé un bref instant n'est pas volée par Elephant (producteur de 7 à 8) à Endemol. Elle est consentie par Endemol. Le conte de fées peut bien tourner au pathos du couple qui vole en éclats, peu importe, du moment que l'histoire rebondit. Et faire rebondir une histoire, Endemol sait le faire.

Camille et Maxime vont-ils arriver à sauver leur relation ? Qui va gagner ? Le couple, ou la règle ? La compétitivité, ou la tentation des matinées buissonnières ? D'un côté, le contrat, les 5000 euros mensuels, l'appartement de fonction, les palaces, le conte de fées, la tyrannie de l'éternel sourire. De l'autre, la vie, la simple vie, avec ses mauvaises herbes, et ses petits bonheurs qui ne rapportent rien. Souris et endure, si tu veux être compétitive ! Souris et tais-toi, si tu ne veux pas que les touristes chinois partent à Londres le dimanche, intime-t-on à Miss France, dont on filme impitoyablement les timides rebellions. Camille ne veut pas jeter sa couronne. Elle veut tout. Les palaces, les courants d'air, ET Maxime. Se soumettra-t-elle ? Ce qui se joue, c'est la capacité de résistance de la société à la loi de fer macronienne que l'on veut lui imposer. Avec Camille, libérons Miss France !

Lire sur arretsurimages.net.