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Le terme « nostalgie de l'Union Soviétique » ne me parait pas approprié, ou sujet à malentendu. J’ai vécu deux ans, en 2002 et 2003, pour raison professionnelle dans une ville de province russe (Rybinsk, fondée par Catherine II, interdites aux étrangers jusqu’en 1992, car ancien centre important du complexe militaro-industriel soviétique), et j’ai à cette occasion volontairement « pénétré » plusieurs familles russes de la catégorie « médiane » (infirmière, secrétaire, ouvrier et ouvrière d’usine, gardien de prison, retraité(e)s… revenus mensuels inférieurs à 150 Euros, comme 80 % de la population russe à cette époque ; de l’ordre de 200 Euros aujourd’hui. Comme cela est normal pour ces catégories sociales en Russie, personne ne parlait correctement une langue étrangère, n’avait jamais été au restaurant, ni séjourné dans un hôtel, ni vu la mer…).
A la question, que je posais lorsque j’étais suffisamment familier, sous la forme « Est-ce que c’était mieux avant ? », je n’ai pratiquement toujours eu comme réponse que des sourires, ou des pirouettes (« C’était mieux avant, parce que nous étions plus jeunes… »). Sauf une personne qui m’a dit avec une violence visible mais contenue : « Avant, je pouvais manger de la viande et du poisson, maintenant je ne peux plus », et qui m’a répété cette phrase, mot pour mot, plusieurs fois, alors que je lui demandais avec insistance que qu’elle pensait de sa situation « avant ».
Je peux témoigner qu’aucune des personnes que j’ai connues n’achetait en 2003 de viande ou de poisson, mais uniquement de la charcuterie (il est vrai que la charcuterie tient, dans l’alimentation traditionnelle des Russes, une place plus importante que celle qu’elle a dans l’alimentation française des mêmes catégories sociales), sauf « aux Grandes Occasions » (anniversaires, fêtes, mariages, réception d’hôtes de marque…). Je peux aussi témoigner que beaucoup des adolescents des années quatre-vingt-dix que j’ai rencontré garderont toute leur vie des séquelles d’une mauvaise nutrition à cette époque clé de leur existence, et que leurs parents en avaient parfaitement conscience, car aucune de ces personnes, qui avaient toutes reçu une éducation scolaire manifestement correcte, ne pouvaient être classées comme « exclues », « déracinées » ou « marginales », même si le tiers de ces personnes (la majorité pour les plus âgés, très peu chez les jeunes) était plus ou moins (plutôt plus que moins) alcoolique…
Les rares magasins de la ville qui vendaient de la viande ou du poisson (ou des fruits) n’en avait qu’en petite quantité, et il en restait toujours le soir (rien à voir avec Moscou, mais Moscou n’est actuellement pas une ville russe… ni, dans une moindre mesure, Saint Pétersbourg) ; je n’ai quant à moi jamais eu le moindre problème pour acheter tout ce dont j’avais besoin à Rybinsk, tout comme les 5 à 10 000 habitants de cette ville de 250 000 habitants qui devaient avoir un revenu mensuel supérieur ou égal à 1000 Euros et, pour quelques centaines d’entre eux, des revenus certainement très supérieurs aux miens... J’ai gardé le contact avec les personnes que j’avais connues là-bas à cette époque et, si la situation s’améliore paraît-il un peu chaque année, elle n’a pas fondamentalement évoluée pour les personnes « modestes », c’est à dire pour 80 % environ de la population russe.
La « nostalgie » me semble un luxe, que la majorité des Russes n’est pas encore en mesure de s’offrir…
Quant à Soljenitsyne, dont le nom était connu de tous, même des plus modestes, je n’ai connu personne chez qui ses préoccupations de l’époque sur la « décadence spirituelle » de la Russie ai provoqué la moindre résonance. Non que les Russes d’aujourd’hui n’aient aucune préoccupation « spirituelle » et ne songe qu’à « bouffer », bien au contraire. Mais pouvoir se nourrir (et, pour les jeunes, avoir un téléphone portable) reste la préoccupation principale de la majorité des Russes d’aujourd’hui. Les préoccupations de Soljenitsyne (du moins, celles qui sont postérieures à son retour en Russie) semblent avoir été celles de 2 % de ses compatriotes, ainsi que celles d’un certain nombre de non-Russes, qui lui ont rendu un juste hommage à sa mort ; ses préoccupations étaient tout aussi respectables, mais ni plus ni moins, que celles de 98 % des Russes qui en ont aujourd’hui tout simplement d’autres.
Quelles sont les préoccupations « spirituelles » des Russes aujourd’hui ? Paradoxalement, le fait que 40 % d’entre eux tiennent Staline comme « l’un des plus grands hommes du monde » est à mon sens un indice clé de leurs préoccupations spirituelles, et l’on fait je pense un contresens total en interprétant ce résultat déroutant comme un hommage à, ou encore plus comme une « nostalgie » de, la Tyrannie. Sans en avoir la preuve, je pense que ce pourcentage est probablement sensiblement identique dans toutes les couches sociales, et pour toutes les catégories d'âge. Tous les Russes savent aujourd’hui qui était le personnage réel de Staline, et connaissent tout de la terreur stalinienne, ne serait-ce que par les millions de personnes qui l’ont vécue, qui vivent encore et qui témoignent du climat qui régnait à l’époque dans toutes les couches de la société soviétique. Mais, en partant de Staline, ça n’est pas du personnage réel ni de l’URSS réelle dont les Russes parlent, mais dans les deux cas, en pleine connaissance de cause, et ils le savent parfaitement, de Mythes.
La société russe d’aujourd’hui n’apparaît pas satisfaisante à je pense plus de 95 % des Russes, mais le « rêve » de la grande majorité d’entre eux n’est aujourd’hui, ni le ressourcement dans la mystique religieuse slave prônée par à Soljenitsyne (tendance ultra minoritaire), ni l’entrée au pas de charge dans une société people post-moderne à l’occidentale (tendance actuellement encore très minoritaire, car le souvenir de l'effroyable "catastrophe" des années quatre-vingt-dix est un cauchemar encore présent, lui, et contrairement à celui de la période stalinienne, déjà lointaine, dans la mémoire de tous) mais est plutôt quelque chose qui ressemblerait à l’ancienne société soviétique, dont tous les (extrêmement graves, les Russes en ont parfaitement conscience) défauts auraient, comme par miracle ou comme par enchantement, disparus… C’est ce qu’espèrent, je crois, la majorité les Russes de leurs dirigeants actuels (Poutine largement en tête), mais tout de même sans « trop » y croire… -
TontonRo
M. Pivot a comparé Soljenitsyne à Victor Hugo en exil à Guernesey. Que je sache l'écrivain russe n'était pas spécialement contre la peine de mort. c'est choquant de la part de M. Pivot -
MORASSE
Le mort qui a fait bouger le monstre soviétique ne semble vous intéresser, à ASI, que lorsqu'il y a De Villiers à ses obsèques... Au moins il n'y aura pas eu de délégation d'anciens de la LVF (la Légion des Volontaires Français) avec leurs drapeaux... ni d'anciens de la "division Vlassov"'. Vous délirez ou quoi ? Votre attitude me fait mesurer à quel point les saloperies répandues jadis par l'Huma (Serge Leyrac), par Marchais et les services de désinformation du KGB ont la vie dure - saloperies reprises par Jean-François Kahn, Sartre le tonnelier, le Charlie de Cavana (au temps de la gloire de Siné) et aujourd'hui par Mélanchon le Chon. La dernière trouvaille : chipoter sur la foule ou son absence...
Qu'est-ce que vous avez attendu pour parler vraiment de Soljenitsyne et pour dire son importance ? Pour aller faire un tour sur les archives de l'INA où vous avez toutes les émissions de Pivot disponibles ? Qu'est-ce qui vous gêne dans la destruction que le grand Alexandre a faite du mythe : "il n'y-a-pas-de-camps-de-concentration-en-URSS" ? Qu'est-ce qui vous gêne dans la démonstration qu'il fait que Lénine-Staline-Trotsky ou Hitler, c'est "rouge bonnet et bonnet rouge" ?
Pour les gens de ma génération, voir se précipiter la jeunesse dans le sillon coco, c'est à n'y rien comprendre (nous, on a eu du dur, du Staline) Alors, le Soljenitsyne eut son importance. Certains d'entre nous perdirent même leur travail (se firent mettre au placard) à oser le défendre et à dire qu' "Une journée d'Ivan Denissovitch" et "l'Archipel" sont des oeuvres majeures... Alors, De Villiers... vous parlez si on s'en fout. Reste que Soljenitsyne était venu en Vendée pour saluer la mémoire des 200 000 péquenots vendéens (cathos ou pas) massacrés par la République que vous aimez tant (la jacobine) et ses "colonnes infernales". C'était un génocide ou pas ?
Mes p'tits gars, il ne suffit pas d'une casquette en cuir, d'un chiffon rouge ou d'un portrait du Che sur son tricot pour faire un homme de gauche. A ciao ! -
Lou
En dehors de l'intervention incongrue de BHL, je suis stupéfait du peu d'impact de la nouvelle sur les Russes... Ils ne font pourtant pas table rase du passé puisqu'ils citent Staline comme "l'un des plus grands hommes du monde" (ça fait froid dans le dos), lui qui fut condamné si justement par Soljenitsyne... L'art et la réflexion intellectuelle sont donc enterrés pour de bon et pas seulement en Russie d'ailleurs... BHL l'Imposteur comme invité perpétuel des journaux télévisés est bien la preuve qu'en France aussi, nous sommes en rade... -
Hurluberlu
J'avais jadis evoqué ll'idée que le journal de 13 heures de France 2 pût être une oeuvre d'avant-garde crypto-situationniste, mais là je crois que c'est clair: le 19/20 de France 3 est surréaliste, voire dadaïste. Parce que
1. Inviter BHL pour parler de Soljenitsyne, déjà c'est hénaurme.
2. Lui demander carrément si "Soljenitsyne, pour vous, c'était un modèle, une source d'inspiration ?" alors que BHL et Soljenitsyne, c'est le jour et la nuit: on atteint là des sommets d'absurde.
Je penche donc pour l'hypothèse surréaliste, ou à la rigueur marxiste tendance Groucho, pour décrypter les jité de France 3. Décidément, les journalistes du service public sont des artistes subversifs. Suggestion pour les invités des jités lors des JO: interroger Benoît XVI lors des médailles d'or française en natation ("Laure Manaudou, pour vous, c'est une source d'inspiration ou d'expiration?"), inviter Claude Lévi-Strauss pour parler d'haltérophilie ("Monsieur Lévi-Strauss, dans votre anthropologie structurale, êtes vous plutôt halérophile ou haltérophobe?"), questionner Henri Bauchau pour parler canoé kayak, etc. -
Eric M.
Est-ce que c'est bien Philippe de Villiers qu'on voit sur cette image ?
Je reconnais que c'est flou, mais ce serait logique.
Edition: ça doit être lui. -
Francois T
Pour compléter l'article de Justine, vu sur cette page http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2008/08/03/777-il-faut-sauver-l-argument-d-antisemitisme
ce commentaire d'un internaute narrant la prestation de BHL sur Arte au lendemain de la mort de l'écrivain :
30. Le lundi 4 août 2008 à 20:45, par D. Sauvaget
BHL s'enferre, il se tire une balle dans le pied. Ce soir, sur Arte (magazine culturel de 20 h), il est sollicité à propos de la mort de Soljenitsyne.
Lorsque la journaliste évoque le nationalisme doublé de propos antijuifs des dernières années, BHL donne l'absolution à l'écrivain, qui est un "génat" de la pensée, que des "lilliputiens" ont attaqué sur ce terrain - bien que, il le reconnaît, il avait lui-même été choqué à l'époque de ces propos.
Quant à l'écrivain allemand sollicité par la chaîne et qui revient sur les positions "anti-judaïques" de Soljenitsyne (c'est enregistré, il n'a pas entendu le sage BHL, BHL rétorque (malpoli, et sans doute ignorant de ce que représente ce monsieur en Allemagne) : "je ne suis pas sûr" (rhétorique cinglante) que dans 50 ans on se souviendra de cet écrivain allemand, alors que l'oeuvre de Soljenitsyne est immortelle.