Artisan français contre princesse saoudienne : la plainte qui n'agite pas les médias
Manuel Vicuña - - Silences & censures - 0 commentairesUne princesse saoudienne impliquée dans une affaire de violence aggravée à Paris ?
L’histoire a de quoi embarrasser la représentation diplomatique du royaume et émoustiller les médias. Pourtant depuis que Le Point a révélé la plainte déposée contre la fille du roi Salman par un artisan parisien, l’affaire potentiellement explosive, fait surtout l’objet de courtes synthèses et de simples reprises de dépêches dans les médias français.
Comme l’a révélé Le Point, le 26 septembre dernier un artisan parisien de 53 ans a déposé plainte à Paris. Il affirme avoir été battu sur ordre de la princesse par l’un de ses gardes du corps. La scène se passe dans le 16e arrondissement, dans un appartement de l’avenue Foch, propriété de la famille royale où l’artisan était venu effectuer des travaux. Sur place alors qu’il prend des photos afin, explique-t-il, de pouvoir tout remettre en place à l'issue de son intervention, l’homme aurait été pris à partie par la princesse qui l’accuse de vouloir vendre ses clichés à la presse. Furieuse, elle aurait alors fait appel à son garde du corps.
Selon le dépôt de plainte de l’artisan, c’est le début d’un calvaire de plusieurs heures durant lesquelles le gorille l’aurait roué de coups, ligoté puis tenu en joue, les mains liées, en lui ordonnant de s’agenouiller et de baiser les pieds de la princesse. Une information judiciaire a été ouverte pour violences avec arme, menaces de mort, vol et séquestration sur personne ayant provoqué une incapacité totale de travail de moins de huit jours. Après avoir été placé en garde à vue, le garde du corps, qui récuse tout usage disproportionné de la force, a été mis en examen samedi et placé en détention provisoire à Fresnes.
Mais qu’en est-il de la princesse, fille unique du roi Salman (et non de l'ex-roi Khaled comme Le Point l'avait d'abord indiqué, trompé par l'homonymie, avant de rectifier) ? Dans son dépôt de plainte, l’artisan l’avait directement mise en cause, rapportant des propos qu’elle aurait proférés à son encontre : "Il faut le tuer, ce chien, il ne mérite pas de vivre." Si depuis, le plaignant est revenu sur cette version, affirmant que la princesse ne serait finalement pas la donneuse d’ordre, il maintient toutefois qu’elle était bien présente lorsqu’il a été tabassé. Pourtant comme le note, le journaliste du Point Aziz Zemouri, celle-ci a pu quitter la France sans avoir été entendue par la justice. "Brièvement placée en garde à vue, la fille unique du roi Salman d'Arabie saoudite, 42 ans, a, selon nos informations, très peu coopéré arguant du fait qu'elle était protégée par son immunité diplomatique.", expliquait-t-il dans un article paru samedi.
La fille du roi Salman, protégée par son immunité diplomatique ? Quelques jours plus tôt, le ministère des Affaires étrangères avait pourtant assuré au journaliste du Point que l'intéressée ne disposait pas d'un passeport diplomatique.Il semblerait que depuis, l'ambassade d'Arabie Saoudite lui en ait fourni un. Contacté par @si le journaliste s'étonne de l'impunité dont la princesse a visiblement bénéficié. "Il est pour le moins surprenant que la justice n'ait pas considéré nécessaire d'entendre quelqu’un qui est témoin au minimum d’un délit si ce n'est d'un crime alors qu'une procédure judiciaire est en cours." D'autant qu'à ce titre, la fille unique du roi d'Arabie saoudite pourrait potentiellement être poursuivie pour non-assistance à personne en péril, passible de cinq ans d'emprisonnement.
L'affaire n'est donc pas anodine. Révélée par Le Point le 28 septembre, elle a fait l'objet d'une dépêche de l'AFP le jour même confirmant les premières informations du site. Tant et si bien que la presse internationale et notamment britannique s'en est saisie. Du Sun au DailyMail en passant par le site de la BBC ou celui de The Independent, les médias anglais ont relaté l'affaire en s'appuyant sur les éléments connus et relaté en France par l'AFP et Le Point. Et du côté des médias français ? Pas grand chose. Hormis le média pro-russeRT France qui a contacté l'avocat du garde du corps ou encore l'article d'un journaliste américain du DailyBeast publié sur le site d'Atlantico et qui s'intéresse à "la longue liste des victimes de la famille royale saoudienne". Pour le reste : de Paris Match à FranceInfo en passant par le site de RTL, 20 minutes, Le Figaro ou encore Libération, la couverture du sujet par les médias français se cantonne à une reprise de la dépêche AFP ou à une synthèse des informations du Point. A l'image du site de BFMTV qui le 30 septembre citait pour source celui de RTL lequel reprend, lui même, les informations... du Point.