Arte/Tchernobyl : documentaire "méprisant la vérité historique" ?

Justine Brabant - - Fictions - 0 commentaires

Un "mépris pour la vérité historique" ? Dans un billet publié sur son blog de Mediapart, le président de l’association "Enfants de Tchernobyl Belarus" Yves Lenoir revient sur le documentaire d'Arte Tchernobyl, Fukushima : vivre avec (auquel @si vient de consacrer une émission). Il regrette notamment que le film ne rappelle pas les liens de l'un des chercheurs interrogés avec l'industrie du nucléaire.

"Le mépris pour la vérité historique, le mépris pour les populations que l’on apprivoise aux conditions d’un environnement contaminé par les radioéléments, le mépris pour les personnes dont on manipule le témoignage, et le mépris pour les esprits faibles que l’on exploite sans vergogne. Que ressentir d’autre après avoir visionné ce film?" Yves Lenoir, président de l’association "Enfants de Tchernobyl Belarus" et auteur de La Comédie atomique : l'histoire occultée des dangers des radiations (2016), n'a pas apprécié le documentaire diffusé par Arte à l'occasion des trente ans de la catastrophe de Tchernobyl, Tchernobyl, Fukushima : vivre avec.

Image tirée du documentaire diffusé sur Arte le 26 avril

Dans un billet publié le 1er mai, il se propose de rappeler les "intérêts [que] servent" les chercheurs suivis dans ce documentaire. Il revient notamment sur la carrière de Jacques Lochard, l'un des experts interrogés par le réalisateur Olivier Julien. Dans le documentaire, Lochard est simplement présenté comme l'un des radioprotectionnistes du projet Ethos, projet qui de 1996 à 2001 visait à "améliorer durablement les conditions de vie des habitants des villages dont la vie quotidienne a été fortement affectée par la présence à long terme de contamination radioactive à la suite de l’accident de Tchernobyl".

Lenoir revient sur les multiples autres casquettes de cet économiste de formation, notamment celle de président d'un centre de recherche - le Centre d’étude sur l’évaluation de la protection dans le domaine nucléaire, CEPN - qui compte parmi ses membres EDF, Areva et le commissariat à l'énergie atomique (CEA).

Image tirée du documentaire diffusé sur Arte le 26 avril

Autre aspect contestable du documentaire, pour l'auteur de La Comédie atomique : il donne l'impression que les Français du programme Ethos ont été les premiers à apporter des instruments de mesure de la radioactivité aux habitants des zones faiblement contaminées de Biélorussie. Or, Lenoir rappelle qu'avant l'arrivée d'Ethos, un physicien biélorusse, Vassily Nesterenko, avait déjà créé un institut de radioprotection indépendant (l'Institut de Belrad), fait fabriquer "300 000 compteurs de radiation précis à distribuer dans toutes les zones contaminées du Belarus", et ouvert "370 centres de contrôle de la radioactivité des aliments" dont un à Olmany, l'un des villages où Olivier Julien a posé sa caméra.

Exemple concret de séquence passant sous silence le rôle de l'Institut de Belrad : l'interview de la radiométriste d'Olmany, chargée de mesurer la radioactivité des produits alimentaires. Le documentaire laisse penser qu'elle a été formée par l'équipe du projet Ethos. Après avoir contacté l'intéressée, Lenoir assure pourtant qu'elle a été formée et embauchée par l'Institut de radioprotection de Belrad avant l'arrivée des Français. "Le cahier qu’on la voit feuilleter dans le film est celui où elle note les mesures selon le protocole de Belrad", détaille-t-il.

Image tirée du documentaire diffusé sur Arte le 26 avril

Quant aux photos d'archives présentées dans le film, où l'on voit "des séances de mesure de la charge corporelle avec les fauteuils ou bien des opérations de contrôle de la nourriture", "bon nombre proviennent de Belrad", sans que cela ne soit précisé, assure le fils du fondateur de l'Institut, également interrogé par Lenoir.

"On aimerait connaître les objectifs que la chaîne de télévision de service public Arte se donnait en sélectionnant ce documentaire pour le diffuser un jour très symbolique, celui du trentième anniversaire du début du désastre de Tchernobyl", conclut l'auteur du billet. Sollicitée par @si lundi, la direction des programmes "Découverte et connaissance" de la chaîne n'était pas disponible pour répondre à nos questions.

Pour (re)voir l'émission que nous avons consacrée à ce documentaire, avec les explications de son réalisateur, c'est par ici : "Tchernobyl: «Etre préparés à une catastrophe nucléaire serait une bonne idée». Débat sur un documentaire contesté d'Arte"

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