Archives Elysée Rwanda : déclassification symbolique ?
Justine Brabant - - 0 commentairesUn voile levé... partiellement. Vingt-et-un ans jour pour jour après le déclenchement du génocide des Tutsis du Rwanda, le 7 avril 1994, l'Elysée a annoncé la déclassification d'une partie des archives de la présidence française sur le Rwanda. Un geste important, car des zones d'ombre subsistent concernant le rôle de la France dans la préparation et le déclenchement du génocide. Mais des journalistes spécialisés avertissent : ces documents ne permettront sans doute pas de lever les secrets d'Etat.
Les documents qui vont être déclassifiés, détaille l'AFP, sont des "notes des conseillers diplomatiques et militaires de l'Élysée, des comptes rendus de conseils restreints de Défense ou de réunions ministérielles" concernant la période 1990-1995. Le ministre rwandais de la justice Johnston Busingye s'est félicité de ce geste, souligant qu'il permettrait "peut-être de finalement rendre accessible ce qui se passait à l'époque et éclaircir les nombreux points noirs ou gris laissés en suspens jusqu'ici". "On espère seulement que la déclassification sera totale", ajoute Busingye.
L'annonce, ici reprise sur le site du Point
Car au-delà de l'annonce et du moment symbolique choisi pour la faire, les questions portent désormais sur le fonds lui-même. Première question soulevée : celle du secret des documents qui vont être rendus publics. Certains... avaient déjà été déclassifiés, souligne le journaliste spécialiste du Rwanda Patrick de Saint-Exupéry, interrogé par France TV Info : "C’est un bon signe, évidemment. Mais il semble que cela concerne strictement les conseillers de l’Élysée, et les conseils restreints qui se sont tenus là-bas.... Or beaucoup de ces documents sont d’ores et déjà connus." Sur la question de savoir si ce complément de déclassification apportera de nouveaux éléments, le journaliste reste prudent : "Difficile à dire."
Seconde question posée par cette déclassification : son périmètre. Si les archives de l'Elysée pourront présenter un intérêt pour "les historiens, les chercheurs et les familles des victimes", "le cœur du secret d'Etat ne fait pas partie de ces documents", estime sur Europe 1 un autre bon connaisseur du Rwanda, le journaliste Afrique de l'Express Vincent Hugeux. Car une fois les documents de la présidence française connus, il manquera encore "ce qui relève du renseignement militaire, ainsi que les documents du ministère de Affaires étrangères, de l'Assemblée nationale et du ministère de la Défense", énumère Hugeux.
L'Elysée a assuré que les archives de l'Assemblée nationale, des ministères des Affaires étrangères et de la Défense allaient être déclassifiées à leur tour, sans évoquer les documents relevant du renseignement militaire, et sans en préciser l'échéance.
L'occasion de (re)voir notre émission-bilan sur le traitement médiatique, vingt ans après, du génocide au Rwanda (avec le journaliste Patrick de Saint-Exupéry, l'historienne Hélène Dumas et le photographe Christophe Calais), et de relire notre article "Enquêter sur le Rwanda, mode d'emploi", sur les sources des enquêtes sur le génocide.