Anonymous/mise en examen : "médiatisation disproportionnée" (juge)

Laure Daussy - - 0 commentaires

Le Parquet de Paris a-t-il souhaité montrer sa force en communiquant le 24 janvier sur l'interpellation de deux personnes, soupçonnées de faire partie de la nébuleuse des Anonymous, et d'avoir participé à une attaque du site d'EDF en avril 2011 ? Le juge d'instruction David Benichou regrette en tout cas que cette interpellation ait été médiatisée.

Après la polémique concernant l'interpellation et la mise en examen de Pierrick Goujon, soupçonné de faire partie de la nébuleuse des Anonymous, et d'avoir à ce titre participé à une attaque du site d'EDF, (lire notre article) le juge d'instruction, David Benichou, semble vouloir apaiser les choses. Nous l'avions contacté à propos de notre article, il nous a rappelé aujourd'hui.

"Ce qui crée le caractère infamant d'une mise en examen, c'est sa médiatisation", estime Benichou, qui rappelle "qu'une nouvelle phase s'ouvre maintenant, après l'enquête policière, celle de l'information judiciaire, qui permet d'enquêter à charge et à décharge". A l'issue de l'information judiciaire, le juge d'instruction dira s'il y a non-lieu ou bien si Goujon doit être présenté devant une juridiction.

Le juge (statutairement indépendant) déplore la "disproportion entre la couverture médiatique et la gravité des faits". "Cela ne méritait pas le Journal de 20 heures". Si l'affaire a été médiatisée, c'est tout d'abord parce que le Parquet (soumis à l'autorité du gouvernement) a communiqué à l'AFP sur l'interpellation et la mise en examen de deux personnes. David Benichou qui, selon nos informations, avait demandé au parquet de ne pas médiatiser l'affaire, regrette que cette médiatisation tombe "en pleine polémique MegaUpload, cela risque d'être rattaché à l'actualité, alors que c'est une affaire qui date". Le Parquet semble avoir voulu faire une démonstration de force, en communiquant sur le sujet, pour montrer qu'il suit de près les Anonymous.

Sur le fond du dossier, le juge ne s'exprime pas, "parce que l'enquête est secrète et que l'instruction ne se fait pas par voie de presse". Il refuse donc de préciser s'il possède d'autres éléments que ceux (qui semblent très minces) présentés par Goujon dans plusieurs interviews.

A propos des déclarations de Goujon lui-même sur son interpellation (il avait été interviewé par Owni juste après sa libération), le juge Benichou note simplement: "Les feux médiatiques allumés ne sont pas de nature à permettre un débat serein". Quant à l'implication de la DCRI dans l'enquête policière, rien de plus "normal", selon Benichou, "c'est le cas lorsqu'une entreprise d'Etat comme EDF est concernée." "Les anonymous considèrent que l'Etat est forcément contre eux, je peux vous assurer que ce n'est pas le cas", ajoute-t-il, précisant même que le "concept de manifestation virtuelle", comme peuvent être parfois considérées les "attaques par déni de service" - type d'attaque dont a été victime le site d'EDF - "mérite d'être creusé avec une argumentation juridique".

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