Agences de notation ? "Approximatives", "erronées" mais "indispensables" (Le Point)

Attention, défi : comment réunir dans un seul et même texte un pamphlet contre les agences de notation et une plaidoirie en leur faveur ? Une mission impossible ? Pas pour Le Point qui a réussi à placer dans une même phrase ces trois qualificatifs pour définir les agences : "approximatives", "erronées" et... "indispensables". Chapeau !

Le Point avait une mission cette semaine à la Une : dézinguer tous les "gros mensonges" sur la crise. Une belle promesse. S'agissant des agences de notation, le texte est sans concession. Sous le titre "Débarrassons-nous des agences de notation", Le Point examine cette suggestion à la loupe. Et ça fait mal : "L'attitude des agences n'est pas très bien comprise", explique l'hebdomadaire. Logique : "leur avis n'est pas scientifique" puisque les agences portent "des appréciations politiques, dont l'objectivité est par nature indémontrable". Le lecteur ne sera donc pas étonné d'apprendre qu'"historiquement, elles ont à leur actif d'épouvantables ratés". Et Le Point de lister les cas d'aveuglement de ces agences : "Rien vu sur Enron ou Tyco, rien vu non plus sur l'Argentine ou l'Islande. Rien vu, surtout, sur les subprimes". Bref, elles ne voient rien du tout ! Mélenchon et ses amis n'auraient pas dit mieux... Un article avec une photo d'illustration évaluée triple A (Arnaqueurs Artificiellement Autoproclamés)

Sauf qu'il fallait lire le papier jusqu'au bout. Car dans un improbable retournement de scénario, le journaliste écrit, accrochez-vous que "les agences de notation, toujours approximatives et parfois erronées constituent des repères indispensables". Une phrase à étudier dans toutes les bonnes écoles de cirque, section "contorsions" uniques au monde. Car après s’être retenu pour ne pas encenser ces agences, le journaliste peut enfin se libérer : "si plus personne, même de manière imparfaite, ne note les crédits, ce sera la bouteille à l'encre, l'anarchie. La porte ouverte à toutes les escroqueries, rumeurs, magouilles", s'emporte-t-il. On aurait pu ajouter : "apocalypse", "guerre nucléaire", "fin du monde" (à vous de compléter).

Au moins, vous êtes prévenus : les papiers du Point sont à lire jusqu'au bout. A suivre la semaine prochaine un article sur le nouveau métier de trader philanthrope (postes à pourvoir), un autre sur les nouveaux subprimes toujours aussi toxiques mais nettement plus fiables (info exclusive signée Moody's). Sans oublier l'incontournable dossier : "comment placer son argent dans des banques en faillite pour votre plus grand bien".

Un article qui a mérité son entrée dans notre panthéon des "gros mots de l'économie".