A la rencontre du policier qui a tué Michael Brown (New Yorker)
Robin Andraca - - 0 commentairesDarren Wilson pense-t-il encore à Michael Brown, jeune Afro-américain de 18 ans, qu'il a abattu en août 2014 ? Un journaliste du New Yorker a posé cette question, et bien d'autres, à l'ancien policier et ses réponses viennent d'être publiées dans un long (et passionnant) portrait sur le site de l'hebdomadaire, un an tout juste après la mort de Brown, début de plusieurs semaines de manifestations et d'émeutes dans la ville de Ferguson.
Capture The New Yorker, août 2015
Le 9 août 2014, Darren Wilson tue Michael Brown, non armé au moment des faits, de six coups de feu. Un an plus tard, le New Yorker, qui a passé plusieurs jours au domicile barricadé de Wilson en mars dernier, publie un long (et passionnant) portrait sobrement intitulé "The Cop" ("Le flic").
Un papier qui tente de retracer le parcours de cet homme de 29 ans dont la police ne veut plus entendre parler, qui garde la "conscience tranquille" et qu'un grand jury avait décidé de ne pas inculper au pénal en novembre dernier ; décision approuvée par le ministère fédéral de la Justice en mars 2015. Le journaliste se penche aussi sur le parcours de la victime, Brown, cet adolescent en difficulté scolaires au physique si imposant que son père lui avait conseillé d'obéir à la police, en toutes circonstances.
"Est-ce que je pense à la personne qu'était Michael Brown ? Pas vraiment"
Que s'est-il donc passé le 9 août 2014 ? "Impossible de savoir ce que se sont dit Wilson et Brown ce jour-là, et pourquoi la situation a dégénéré si rapidement. J'ai demandé à plusieurs reprises à Wilson de me parler de ce moment-là", écrit le journaliste du New Yorker, qui réussit tout de même à arracher ces réflexions troublantes à l'ancien policier : "Est-ce que je pense à la personne qu'était Michael Brown ? Pas vraiment, parce que ça n'a plus d'importance maintenant. Est-ce que je pense qu'il était bien éduqué ? Non. Pas du tout".
Sur d'autres sujets, en revanche, le policier est beaucoup plus bavard. Sur son métier par exemple, dans une ville où la majorité de la population est noire et la majorité des policiers blancs : "On ne peut pas régler en une demi-heure ce qui se passe depuis trente ans. Il nous faut régler ce qui se passe maintenant. C'est mon boulot, en tant que policier. Je ne vais pas commencer à fouiller dans le passé de chaque personne et essayer de comprendre pourquoi ils ressentent les choses de cette manière. Je suis pas psychologue". Pas très attaché au passé, donc, Wilson n'a pas lu le rapport accablant du ministère de la Justice sur la police de Ferguson : "Je ne vais pas continuer à vivre dans le passé, à propos de ce qu'il s'est passé à Ferguson. Je n'ai pas de contrôle là-dessus".
Sur la question raciale, plus sensible que jamais aux Etats-Unis depuis les émeutes de Ferguson, puis de Baltimore, Wilson a aussi son avis : "Ce n'est pas une question de race", estime-t-il. "Je ne me suis jamais dit « Je suis le seul type blanc ici ». Je me disais juste « Ce n'est pas ici que j'ai grandi »".
L'occasion de revoir notre émission sur les images de violences policières contre les Noirs américains : "Il y a un lien évident entre austérité et persécution policière des Noirs".