35 Heures : le rapport "secret" de l'IGAS dont toute la presse parle

Justine Brabant - - Silences & censures - 0 commentaires

La direction de l'Igas aurait voulu faire parler de son rapport qu'elle ne s'y serait pas prise autrement.

Le directeur de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) Pierre Boissier a choisi de ne pas transmettre au gouvernement un rapport, rédigé par deux de ses inspecteurs, qui dresse un bilan plutôt favorable des 35 heures. Mediapart est le premier média à avoir révélé cette décision, considérée comme un acte de "censure" par le Syndicat des membres de l’Inspection générale des Affaires sociales (Smigas).

Le rapport - qui porte sur "les politiques d'aménagement et de réduction du temps de travail" - conclut que "des dispositifs tels que les 35 heures, instaurées par les « lois Aubry » de 1998 et 2000, peuvent, sous certaines conditions, contribuer à réduire le nombre de demandeurs d’emplois" rapporte Le Monde, qui a pu consulter le document. Son contenu a depuis été repris par Libération, L'Obs, Le Point ou encore Europe 1.

Pas transmis au ministre

Comment et pourquoi le rapport a-t-il été bloqué ? En principe, les rapports de l'Igas sont le fruit d'une mission d'un à cinq mois qui se termine par "l'envoi du rapport aux destinataires : commanditaires [dans ce cas, le gouvernement français, ndlr] et organismes concernés", indique l'Inspection sur son site.

Mais les textes prévoient effectivement la possibilité que le rapport ne soit finalement pas communiqué : le chef de l'Igas "peut décider de ne pas transmettre ces conclusions, après avis d'une commission constituée de membres du corps de l'inspection générale des affaires sociales, dont la composition et le fonctionnement sont fixés par arrêté des ministres chargés des affaires sociales", peut-on lire dans ce décret détaillant le fonctionnement de l'institution.

Dans le cas du rapport sur la réduction du temps de travail, la procédure semble bien avoir été respectée : un arrêté portant création de la fameuse commission a été publié le 3 juin, relève Mediapart. Ce n'est qu'après avoir recueilli son avis que Boissier, le chef de l'Igas, a décidé de ne pas transmettre le rapport. En cause, selon lui : des "insuffisances" et "faiblesses" dans le document. Un avis partagé par un autre journaliste à avoir consulté le rapport : le chroniqueur économique de BFM Business Emmanuel Lechypre, pour qu'il s'agit d'un rapport "indigent" car "militant" (en faveur de la réduction du temps de travail), qui n'apporte "aucune contribution nouvelle ou calcul nouveau".

Avis négatifs du relecteur et du comité des pairs ?

Pour justifier sa décision, la direction de l'Igas a également assuré à la presse que la commission n'était pas la seule à souhaiter bloquer le rapport : "un relecteur" et "un comité des pairs" (dont la procédure veut qu'ils donnent également leur avis sur le rapport) se seraient également "prononcés dans le même sens, « celui de la non-transmission »", a-t-elle assuré au Monde. Problème (soulevé par le quotidien) : il semble qu'il n'en soit rien. Selon le syndicat des membres de l'Igas, ni l'avis du relecteur ni l'avis du comité des pairs ne demandent la non-transmission du rapport au gouvernement.

Qu'il ait suivi ou non l'avis du relecteur et du comité, une chose est sûre : c'est bien en dernier ressort Boissier, le patron de l'Igas, qui a pris la décision de bloquer le document. Cet énarque passé dans les années 1990 par le cabinet d'une ministre du gouvernement Juppé a selon Les Echos "l'avantage de posséder une double expérience, de haut fonctionnaire et de chef d'entreprise" : avant le prendre la tête de l'Igas, il est notamment passé par la direction des ressources humaines du groupe Hachette Filipacchi Médias (filiale du groupe Lagardère). L'histoire ne dit pas si, lors de ce passage dans le monde de la presse, il a appris à connaître l'une des lois les plus implacables du net : l'effet Streisand.

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