11 novembre, l'inconnu des Champs-Elysées

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires


Deux images en concurrence, toutes deux énigmatiques.

Les ravages d'une catastrophe naturelle aux Philippines, et des crieurs anti-Hollande sur les Champs Elysées et à Oyonnax, le 11 novembre. Deux images en concurrence, dont l'une l'emporte parfois sur l'autre, et parfois l'autre sur l'une, dans l'information télévisée nationale. Toute la journée du 11 novembre, le typhon Haiyan l'a emporté sur les Champs-Elysées. Devant la force des images, les siffleurs du 11 novembre ont été relégués en deuxième place. Mardi matin, les anti-Hollande reprenaient la corde. Bref.

Pourquoi énigmatiques ? Parce qu'on ne sait pas si chacune de ces deux images traduit davantage que ce qu'elle semble montrer. Le typhon Haiyan des Philippines est-il attribuable au dérèglement climatique ? On semble le penser à Varsovie, où se déroulent actuellement des négociations sur le climat, mais les meilleurs climatologues français, comme Jean Jouzel, sont plus réservés. Peut-être, avancent-ils, le dérèglement augmentera-t-il l'intensité des typhons, mais pas forcément leur fréquence. Quant aux siffleurs des Champs-Elysées, même incertitude : s'agit-il d'une poignée d'activistes anti Mariage pour tous, affublés de bonnets rouges pour les caméras, autant dire d'une sorte de catastrophe naturelle politique épiphénoménale, ou bien cette image est-elle la traduction télévisée, fallacieuse mais fidèle, d'une sorte d'apocalypse fiscale à venir, que n'en finit plus de prédire une machine médiatico-sondagière emballée ? Absurde ? Non. Une image peut-être littéralement fausse, mais politiquement illustrative d'une réalité.

 Heureusement, dans ces deux apocalypses, surgissent deux miracles, que ne manque pas de relever la télévision. Un bébé est né dans les décombres des Philippines, et l'accouchement clôt immanquablement la séquence Philippines des JT. A Paris, un jeune prof d'histoire de 25 ans, se faisant le défenseur des commémorations pour les soldats tombés "-on commémore la grande guerre, pourquoi vous mélangez ? Vous salissez la mémoire des soldats"- inconnu des trottoirs prolongeant l'Inconnu qui dort sous la flamme perpétuelle, a fait reculer les hurleurs des Champs Elysées. "J'ai été un peu ridicule", s'excuse-t-il quelques heures plus tard devant Yann Barthès. Mais non. Même si le parallèle qu'il établit dans sa courte harangue avec les manifestants anti-Mitterrand au Vel d'Hiv, en 1992, est historiquement absurde -Mitterrand était alors conspué pour ses ambiguïtés envers Vichy, c'est à dire pour un motif étroitement en rapport avec la cérémonie- il aura été la seule image du jour, n'en disant pas davantage que ce qu'elle prétendait dire. 


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