1% les plus riches : la statistique d'Oxfam contestée (Delaigue)
La rédaction - - 1 commentairesNon, les 1% les plus riches ne vont pas détenir 50% de la richesse mondiale, soit plus que les 99% restant, d'ici 2016.
Ou comment France TV Info démonte une info partagée par... France TV Info. Le blog Classe Eco du site de FranceTV, a décortiqué les chiffres avancés par l'ONG Oxfam et repris un peu partout dans la presse ces derniers jours (comme ici ou là). L'association publiait hier ses chiffres annuels sur les inégalités et tirait la sonnette d'alarme : "1 % des habitants de la planète possèderait 48 % du patrimoine, contre «seulement» 44 % en 2009. Le seuil des 50 % devrait être dépassé en 2016".
Problème : pour l'économiste Alexandre Delaigue (bien connu des @sinautes) qui tient le blog, ou le journaliste anglais Felix Salmon, ces chiffres sont... bidon. "Les inégalités sont un sujet important, ce qui est une raison de les traiter sur la base de faits. Or les données d'Oxfam, fondées sur un rapport de la banque Credit Suisse dont ils ont prolongé les courbes, sont trompeuses. Pour afficher des chiffres choc, qui seront aisément repris sans regard critique dans toute la presse, l'ONG donne une image totalement trompeuse des inégalités", estime ainsi Delaigue.
"même si vous n'avez rien, vous appartenez déjà aux 70% les plus riches"
En cause : la mesure utilisée par Oxfam pour ses calculs. L'ONG prend ainsi comme indicateur des inégalités le patrimoine net, soit les actifs des personnes (ce qu'elles possèdent, en capital ou en immobilier par exemple) moins leurs dettes. Si le calcul ne parait pas aberrant à première vue, il aboutit à des résultats... surprenants. Un étudiant américain à Harvard, endetté pour financer ses études et qui possède donc un patrimoine net négatif, est considéré comme plus pauvre qu'un réfugié syrien, dont le capital est "seulement" nul, déplore le professeur d'économie. Pire : "la personne la plus pauvre du monde n'est pas un Africain affamé : c'est Jérôme Kerviel".
Résultat du choix de mesure par Oxfam : "Il n'y a aucun Chinois parmi les 10% les plus pauvres du monde. Par contre (triangle en haut à gauche) environ 7.5% des 10% les plus pauvres sont... américains. Comment est-ce possible ?"
Et le choix de mesure fausse toute l'analyse : "selon ce calcul, deux milliards de personnes ont un actif net négatif, ce qui veut dire que même si vous n'avez rien, vous appartenez déjà aux 70% les plus riches; mon neveu, qui joue avec une pièce de 50 centimes d'euros, se retrouve d'un coup plus riche que 2.5 milliards de personnes", note Delaigue. Et les détracteurs du rapport ne s'arrêtent pas là : agréger au niveau mondial des inégalités n'aurait, selon eux, que peu de sens. Il suffit par exemple de disposer d'un patrimoine net d'environ 3 000 euros pour entrer dans les "50% les plus riches au niveau mondial" au sens d'Oxfam. Si dans certains pays, une telle épargne est conséquente, peu de Français se considèrent riches avec une telle somme sur leur livret A, rappelle l'auteur du blog. Enfin, la projection utilisée pour déterminer les inégalités en 2016 est particulièrement discutable puisqu'elle ne tient compte ni des tendances lourdes, ni des marges d'erreur, note le site Fusion.net.
MAJ 21/01/15 : Malgré cette mise au point présentée en page d'accueil du site de France TV, le journal de 20 heures de France 2 reprenait en longueur les chiffres et l'analyse d'Oxfam. David Pujadas se contentait de préciser, en fin de sujet, que la méthodologie de l'étude est "critiquée", notamment sur le fait que le calcul agrège des situations très différentes au niveau mondial.