"Les mamans" et "les papas", ces bons clients de la télé business

Sherlock Com' - - Médias traditionnels - Plateau télé - 20 commentaires

Chronique faire-part

Hervé a failli oublier les couches, Laëtitia a préparé des raviolis. Et Stéphane a galéré avec la pâte à crêpe. Chaque jour, depuis juillet 2020, plus d'un million de téléspectateurs suivent les aventures des "Familles XXL" sur TF1. De l'ultra-quotidien qui contraste avec le programme diffusé juste avant sur TFX, l'autre chaîne du groupe Bouygues : dans "Mamans et célèbres", on suit la vie luxueuse d'influenceuses et de choupinous qui jouent dans des endroits improbables. Dans les deux cas, "les mamans" et "les papas" s'épanouissent dans la parentalité. Un épanouissement très télégénique au service d'un vrai business, mais sur l'autre petit écran, à coup de post sponso et de codes promo. Et comme il s'agit de notre dernière chronique de l'année, on va tout vous dire pour avoir -50% sur le paquet de croquettes pour chien.

Générique !

Oui pardon, c'est donc l'histoire de plein de petites familles. Il y a des mamans (Audrey, Mélanie, Souad…), des papas (Stéphane, Hervé, Alexandre…) et plein de petits bouts de chou. Grâce à papi Bouygues, on peut suivre leurs drôles d'aventures tous les jours, à 17 h 30, sur TF1. Et des aventures, ouh la la, il y en a. On s'amuse, on pleure, on rit. Bienvenue dans "Familles nombreuses : la vie en XXL".

Suivre le quotidien de familles nombreuses, c'est un classique...

Mais là, grâce à papi Bouygues, on est passé à une échelle industrielle. Quand TF1 lance "Familles nombreuses" en juillet 2020, la saison 1 compte 20 épisodes. Vu le succès, la saison suivante passe à 68 épisodes. Et désormais, le compteur est à 120 !

Un véritable carton d'audience (entre 1,3 million et 1,8 million de téléspectateurs), surtout chez  "les cibles commerciales", les fameuses "femmes responsables des achats" (entre 25 % et 34 % de part d'audience). Mais quand on doit remplir 120 épisodes, l'acte le plus banal, comme par exemple faire les courses au supermarché, est censé vous tenir en haleine pendant deux ou trois épisodes. Oui, niveau suspense et mise en scène, ça ne se regarde pas aussi bien qu'une série sur Netflix. Illustration.

"Hervé fait les courses" en deux épisodes

Allez, direction le supermarché, en voiture…

La petite famille est aussi suivie par un drone...

Va-t-il prendre un caddie ? Des pâtes ? Les couches ? Vous le saurez...

Oui, dans "Familles XXL", on fait des teasing courses pour annoncer...

Là, vous vous dites, on va quand même pas suivre Hervé à chaque étape de ses courses à Carrefour. Bah si... 

Et ça fait un million de téléspectateurs ? Oui, mais rassurez-vous, on vous épargne la suite, la troisième partie intitulée "Un rangement au cordeau".

Les courses, c'est l'une des trames narratives importantes de ce programme. Presque toutes les familles y passent. 

Et si les courses sont aussi importantes, c'est parce qu'il y a souvent une dimension pouvoir d'achat dans ce programme. Regarder "Familles nombreuses", c'est d'abord suivre le quotidien de personnes qu'on ne voit pas souvent à la télé (sauf quand ils sont "à l'euro près")on y croise notamment un "plombier", une "femme de ménage", un "gardien de déchetterie", un "ouvrier", même un "ouvrier du BTP"Tout est écrit sur les bandeaux :

Si TF1 veut bien les filmer, la chaîne exige visiblement de tout savoir, notamment la manière dont ils gèrent leur budget.

Du coup, forcément, quand Hervé annonce à Audrey qu'il a dépensé 100 euros de plus que prévu, l'équipe de TF1 ne loupe pas une réplique…

"Alimentairement, on est à 200 euros par semaine. Franchement, si je dois dire les choses, le budget me fait peur comparativement à ce que t'as ramené, s'agace Audrey. Je ne trouve pas que t'as ramené beaucoup de choses à manger, à part des sucreries". Pour sa défense, Hervé précise qu'il a pensé aux couches.

Heureusement, face à ce dépassement de budget, Audrey, à qui on a visiblement demandé de donner le conseil du jour, explique : "On va étaler ces 100 euros de plus sur les trois prochaines semaines, on va faire moins 30 euros les trois prochaines semaines."

Dis comme ça, ça ne paraît pas révolutionnaire. Mais visiblement, l'astuce d'Audrey a fait mouche, elle est reprise par Voici, Télé 7 jours et Public...

Des conseils ou des astuces ? C'est l'un des ingrédients de ce programme de l'ultra-quotidien. Certaines familles sont même là pour ça. C'est le cas de la famille Servières. Elle est très économe. La preuve en images :

Par exemple, pour faire des économies, les enfants de Laëtitia et Sébastien ne mangent pas à la cantine. Ils préfèrent ouvrir des boîtes de ravioli, ça revient moins cher. Une astuce qu'on retrouve aussitôt sur Parents.fr, à l'issue de la diffusion de l'épisode : 

Autre problème, autre astuce : chez les Gonzalez, les parents Mélanie et Franck ont trouvé un bon moyen de limiter les écrans de leurs enfants en leur imposant, le soir, de déposer leurs appareils dans "la boîte à écrans".

Une astuce aussitôt reprise par les sites télés...

Grâce aux caméras de TF1, on partage donc tout le quotidien de "vrais" papas et de "vraies" mamans. Et le casting est bien fait car chacun est à sa place : la maman est le pilier du quotidien, le papa suit comme il peut.

Par exemple, quand la mère est à la maternité avec un nouveau-né, c'est le papa qui essaye de gérer, comme l'explique l'un d'entre eux : "C'est moi qui deviens elle en fait, donc ça va impliquer de m'occuper des enfants, tout ce que habituellement ma femme fait. Donc ce matin, c'est réveil des enfants et en route pour l'école". Courage. 

Dans ce programme, la maman est toujours le pilier de la tribu : "C'est l'équilibre de la famille, explique un papa, elle s'occupe de nous, elle ne demande rien en retour, elle est toujours attentive à ce qu'on a besoin, elle ne se plaint jamais." Comme nos arrière-grands-mères. Quant à la famille nombreuse, vous l'aurez compris, c'est génial : "La famille nombreuse a bouleversé nos vies", "C'est la plus belle chose qui nous soit arrivée".

De la femme au foyer à l'influenceuse

La parentalité heureuse, c'est aussi le thème de "Mamans & célèbres", l'émission diffusée sur TFX entre 16h et 18h. Alors quand on dit "célèbres", ne vous attendez pas à voir débarquer Léa Seydoux ou Audrey Tautou. C'est plutôt Cindy, Emilie, Hillary et Martika. Si vous ne les connaissez pas, c'est parce que vous n'avez pas regardé "Koh-Lanta", "Secret Story", "Les Anges" ou "Le Bachelor".

Et à la différence des mamans de l'ultra-quotidien, on ne les présente pas via l'intitulé de leurs professions. Pas de femme de ménage, ni de femme au foyer, c'est le nombre d'abonnés sur Instagram qui fait foi.

Oui, ce sont des influenceuses. Et pour suivre le quotidien de deux d'entre elles, Martika et Hillary, il faut se rendre à Dubaï.

Dans cette émission, il n'est pas vraiment question du prix des couches ou des astuces ravioli, la maman influenceuse et le papa influenceur ont davantage le temps pour les activités ludiques en famille. Par exemple, en début de semaine, Martika a décidé "de passer un petit moment entre girls" avec sa fille Mia, 2 ans.

"C'est des moments que j'oublierai jamais", assure Martika. Nous non plus. Un peu comme la fois où elle a emmené sa fille au parc. Enfin non, pas au parc, dans un bar de glace dans le centre de Dubaï.

Vous l'aurez compris, avec les mamans de l'ultra-quotidien, on essaye de s'identifier et de choper deux ou trois astuces raviolis. Avec les mamans influenceuses, on "s'évade" car ces familles ne sont pas vraiment comme nous. Eux, ils ne vont pas au zoo par exemple, c'est le zoo qui vient à eux, directement dans leur loft.

Avec eux, le moindre stress est rapidement évacué. Pour Hillary, Giovanni et leur bébé, ce sera séance d'ouverture de chakras...

Point commun de ces programmes : ces mamans et ces papas s'épanouissent pleinement dans leur vie de famille. C'est le fil rouge de ces programmes "feel good", comme disent les directeurs des programmes.

De l'épanouissement parental au code promo

Mais pourquoi toutes ces familles acceptent-elles les caméras ? Pour les mamans-influenceuses, c'est la suite logique de leurs carrières. Après une première apparition dans "Secret Story", une prolongation dans "Les Anges", elles ont  rejoint "Mamans & célèbres" quand elles sont tombées enceintes. Elles sont non seulement rémunérées pour participer à ce programme, mais c'est surtout la meilleure des manières de fidéliser leur "communauté de fans" et de monétiser leur notoriété sur Instagram, à coup de posts sponsorisés. N'est-ce pas Hillary ?

Mais quelles sont les motivations des familles XXL ? A la différence des mamans-influenceuses, "les mamans" et "les papas" de l'ultra-quotidien ne sont pas rémunérés par la production car le programme est classé dans la catégorie "documentaire" de la chaîne. C'est ballot. Alors pourquoi accepter d'être filmé ? Tout simplement parce qu'ils espèrent la même vie que les autres influenceurs.

Oui, toutes les "familles XXL" sont également sur Instagram.

Prenez la famille Jean Zéphirin :

Quand le père de famille galère à faire des crêpes à la télé...

La mère est beaucoup plus à l'aise sur le compte Instagram familial (123 000 abonnés) pour utiliser la "crème précieuse" de Pinup Secret.

Même chose pour la famille Gonzalez dont les parents proscrivent les écrans à leurs enfants le soir...

Ça n'empêche pas la maman d'utiliser le sien pour faire des stories H24, incluant, mais oui, vous l'attendiez avec impatience…

Et quand elle allaite, Mélanie a aussi de la chance car pendant ce temps-là, son "aspirateur robot de chez Zaco France" nettoie pour elle.

Et voilà comment l'ultra-quotidien un peu factice rejoint le monde non moins factice des mamans influenceuses. Un bon business qui peut rapporter parfois jusqu'à 20 000 euros par mois pour les familles les plus célèbres. Encore faut-il rester dans le programme. Car l'ultra-quotidien peut vite lasser (ça ne vous dit pas l'épisode 3 des courses de Hervé ?). Du coup, il y a beaucoup de turn-over dans les familles XXL. La famille Fanich a par exemple annoncé en mars que TF1 avait renoncé à les suivre. Ils tentent de rebondir sur YouTube, avec moins de succès. Ainsi va la vie sur tous les petits écrans.

De notre côté, on n'a pas prévu de faire des sponsos sur notre compte Instagram, mais Sherlockette va avoir un petit frère. Watsonnet étant attendu d'un moment à l'autre, les parents-chroniqueurs vont faire une petite pause. Et si ce bébé ASI veut bien nous laisser quelques heures de sommeil, on rallumera le poste à la rentrée. D'ici là, soyez sages !

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