Twitter, et la transparence des mollahs

Daniel Schneidermann - - Investigations - Obsessions - 63 commentaires

Passant en revue la presse du week-end pour comprendre l'échec radical de l'offensive-éclair iranienne sur Israël, ses raisons, ses conséquences, ses enjeux, je tombe sur cet article du Monde, et cette information, placée dans la bouche de Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam) :


Elle ne m'étonne pas. Plusieurs jours avant que pleuvent sur Israël drones et missiles, la presse regorgeait d'avant-papiers sur la riposte iranienne au bombardement par Israël, le 1er avril dernier, du consulat iranien à Damas. Il n'y manquait que l'heure exacte du déclenchement (finalement, à la fin du shabat). Quant au fiasco absolu de l'offensive (99% des projectiles interpellés, selon les Israéliens), il dit assez qu'Israël et ses alliés étaient prépositionnés pour le tir aux pigeons.

Bref, cette hypothèse du chercheur est cohérente avec l'image que je me fais de cet équilibre fragile de la terreur, que maintiennent dans leur guerre froide Israël et l'Iran. Mesurer les limites au millimètre près, soupeser, se jauger, frôler la ligne sans jamais la franchir puisque aucun des deux n'y a objectivement intérêt.

Elle n'étonne d'ailleurs pas non plus les auteurs de l'article, Jean-Philippe Rémy et Hélène Sallon, pas davantage qu'elle ne semble avoir étonné la rédaction-en-chef du Monde, qui n'a sans doute pas pensé une seconde à titrer sur cette phrase. C'est que nous sommes journalistes. Nous savons que derrière la scène, se trouve toujours une coulisse. Notre métier ne consiste pas à juger cette coulisse, ou à nous indigner de sa simple existence, mais à tenter de la raconter.

Cette information ne m'étonne pas, mais je choisis néanmoins de la mettre en avant dans mon tweet de reprise de l'article, parce qu'elle dit beaucoup sur cette guerre en trompe-l'oeil, qu'ont vendue toute la journée de dimanche les médias du monde entier. Elle dit la coulisse derrière la scène, la réalité des choses derrière les gros titres propres à enflammer les foules.

Dans cette "transparence", je ne vois d'ailleurs aucune bienveillance particulière du régime des mollahs iraniens. Ce n'est pas par pure bonté d'âme, pour épargner des vies israéliennes, que les mollahs ont fait prévenir Américains et Israéliens. Les mollahs se moquent des vies israéliennes, comme les dirigeants israéliens se moquent des vies palestiniennes. Disons que c'est une mesure de précaution.

Mais que n'avais-je pas fait en relayant ce simple constat ! Jetez un oeil aux réponses à mon tweet. Me voilà inféodé aux mollahs, et revoici de sortie les gracieusetés permanentes dont je suis affublé depuis le 7 octobre : "trop sympas" "ces bons mollahs" "quelle indignité !" "vous vous enfoncez dans l'abjection", etc etc. 

Ce n'est qu'un épiphénomène, comme tant d'autres. Qui, outre qu'il est instructif sur la coulisse derrière la scène, en dit énormément sur les malentendus de la communication, et la pollution de l'information par les réseaux sociaux. En période de guerre, mais pas seulement...



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