Urgence climatique : la contrainte, ce gros mot

Daniel Schneidermann - - Alternatives - Le matinaute - 317 commentaires

Faut-il limiter la vitesse sur autoroute à  110 km/heure, comme vient de le proposer Anne Hidalgo ?, demande Franceinfo à Sandrine Rousseau.  Oui. Mais comment ? Son compétiteur Yannick Jadot, à qui elle succède dans le studio, vient d'évoquer une "concertation". Alors Rousseau : "Oui, mais pas trop longtemps. On a une obligation de résultat". Et donc ? Donc, "à la fin, on fait 110, bien sûr". "Bien sûr" est peut-être le mot qu'elle prononce le plus souvent dans l'émission. On est en 2021, les grandes interrogations sont désormais derrière nous. Ce rôle consenti, ou non, à la concertation, n'est-ce pas la principale différence entre vous deux ?, lui demande Gilles Bornstein. "Lui, il concerte. Vous, sur certains sujets, vous dites on y va". Et Rousseau, comme si elle le découvrait là, en direct : "Pourquoi pas ? Peut-être que c'est en effet notre différence".

De la campagne du second tour des primaires écologistes, apparemment débarrassée des polémiques parasites sur les "gaffes" de la candidate, se dégage cette fulgurante révélation : les mesures imposées par le dérèglement climatique (un rapport de l'ONU vient d'indiquer que la planète se trouve sur la trajectoire d'un réchauffement de 2,7° à la fin du siècle) seront impopulaires. Et donc, "bien sûr", appliquées pour partie (attention, gros mot) par la "contrainte, qui est aussi une source de créativité et d'invention." La contrainte conjuguée à l'incitation, à la pédagogie, à une certaine patience, oui. La contrainte équitable, aussi. Sur la fiscalité :  "Qui doit payer plus ?" demande-t-on à la candidate. "Ben, les plus riches". Elle créera donc une tranche d'impôt supplémentaire. "Ce genre de taux ne vous inquiète pas ?" "Pourquoi ça m'inquiéterait ? Que les plus riches deviennent moins riches, non, ça m'inquiète pas. Au contraire, ça me rassure sur leurs émissions de carbone".

"Bien sûr", ce revigorant volontarisme laisse dans l'ombre la question des freins des engagements internationaux de la France, question qu'il faudra bien aborder un jour (ce volontarisme est-il compatible avec le maintien dans l'UE ?) Peu importe pour l'instant. De même que René Dumont, en 1974, avait fait entrer l'écologie dans le débat politique, Rousseau vient d'ouvrir la fenêtre d'Overton à gauche, en faisant entrer dans le débat le mot tabou de "contrainte", qu'elle assume tranquillement. Cela n'a l'air de rien, mais elle est, de mémoire, la première candidate écolo à l'énoncer si tranquillement. Si on appelle cela "radicalité", si on veut, par facilité ou confort, l'analyser comme du "Zemmour vert", alors va pour la radicalité.


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